CORNUS, LES TRACTEURS DE L’ANGELUS

11h30, les cloches sonnent, fin de l’office. Un curé entouré de trois jeunes hommes de prière et de quelques fidèles sortent sur le parvis de l’église. Des gens de bonnes familles, à n’en pas douter. On s’embrasse autour d’un curé gai et enjoué, blagueur et cajoleur.  Une dame bien mise, sur son 31 d’un 15 août, présente ses enfants, de jeunes ados propres sur eux, chemise blanche pour le garçon, chemisier blanc et jupe plissée pour la fille, un peu courte toutefois.

Le petit groupe se disperse, le curé en chaleur sous un soleil vésuvien lâche « on va quitter tout cet attirail». Abbé et aumôniers se glissent dans la fraîcheur de l’église, un dernier génuflexion. Ils ressortent en bras de chemise.

C’est midi, l’heure de l’Angélus, c’est midi l’heure des tracteurs de Cornus.
Ce n’était plus tout à fait la fraîche lorsqu’une centaine de vieux tracteurs s’est ébrouée de cette commune nichée au fond d’un cirque rocheux pour une ronde pétaradante. Une tradition vieille de dix ans de ressortir des granges, du Larzac au Guilhaumard, ces carcasses de ferrailles, pour leur redonner vie, les reboulonner, les graisser, calmer fuites, durites, arbres à cames et vieux pistons, les bichonner même rouillés, de vieux treubleus, des tagazous, qui sentent l’huile, qui ronflent et pètent comme des Santa Fe.

« Le béret sur la tête, on va courir le monde » comme le disent les basques…Midi, fermiers, mécanos, rafistoleurs, bidouilleurs, fils de paysans, sont arrivés, une bonne centaine, assis sur de larges sièges, de la petite route longeant le ruisseau du Bauras, grimpant après Camplong sur Canals et Mas Raynal, ces hameaux égarés sur ce plateau truffé d’avens où lors des hivers mordants, les chiens de chasse perdent le Nord pour trouver la brèche du Pas de Tirecul.

Des hommes, pas de femmes !!!??? Les deux mains sur ces grands volants, jouant des pédales pour déjouer les caprices de la bête tremblotante et fumante. Un défilé, une parade, l’instant d’une matinée, une escapade dans les temps anciens de la mécanique non assistée comme un pied de nez à la PAC qui vous met le moral à sac, aux quotas laitiers qui vous collent en sursis. Des hommes, le foulard noué autour du cou, qui ont encore au fond de leur poche la clef rouillée qui mène aux petits paradis de la campagne. A l’heure de l’Angélus de midi, Cornus, on peut encore jouer les Marius.

PORT FOLIO

Photographies réalisées le 15 Août 2018 à Cornus– Aveyron.