LOLA CROS, journaliste passionnée par la ruralité DE L’Aveyron

Lola Cros a fait un choix osé, à 27 ans seulement, de devenir une journaliste indépendante, en créant FINTA ! », un podcast novateur dédié à la ruralité. Depuis quelques mois, la Ruthénoise a tendu son micro à quelques personnes remarquables de l’Aveyron, avec un credo simple, celui de démontrer le dynamisme du département, et de dévoiler des parcours sources d’inspiration. En continuité de cette volonté de s’engager pour le territoire, cette jeune femme curieuse et enthousiaste a accepté récemment de devenir la collaboratrice parlementaire du député Stéphane Mazars, rencontré pour un podcast.

Odile Baudrier : Je voudrais revenir sur ton parcours, qui t’a orientée vers le métier de journaliste indépendante et spécialisée dans le domaine du podcast, un média en grande émergence actuellement. Et ensuite, l’autre question sera celle de savoir pourquoi avoir choisi de travailler exclusivement sur l’Aveyron.

Lola Cros : Pour moi, ce n’est pas une vocation d’être devenue journaliste. Ce n’est pas un rêve d’enfant. Je ne l’avais pas forcément tracé ou imaginé. Je crois que j’avais peu idée de ce qu’était le métier de journaliste avant mes 18 ans, mon bac et mes études supérieures. J’ai commencé une licence de sociologie sans trop savoir où j’allais, j’étais intéressée par plein de choses. Ce qui m’a amené au journalisme, c’est un petit stage après ma première année d’études, à Centre Presse. J’ai fait un mois de stage, puis je suis repartie à Londres pour un an. Ils m’ont rappelée pour me proposer un contrat d’alternant. Ils m’ouvraient les portes d’une école spécialisée à Paris, et en même temps, je travaillais sur le terrain. J’avais 20 ans, je n’avais pas fini mes études, j’étais câblée pour faire des études longues. Mais j’ai accepté, j’ai fait deux ans d’étude en alternance avec eux, puis ils m’ont embauchée. Je me suis retrouvée dans le métier, sans l’avoir trop imaginé. Je ne crois pas que j’aurais aimé ce métier si j’avais fait un cursus classique, une école de 5 ans. D’autant plus qu’il y a un truc à Paris, un aspect « hors sol », que je n’aimais pas du tout. Mais j’ai adoré d’apprendre en étant vraiment sur le terrain, en faisant un réseau. Et j’ai adoré le faire en Aveyron. Mais je n’ai pas adoré de grands journalistes, je n’avais pas un rapport fanatique à ce métier, je ne l’ai pas idéalisé non plus. Je l’ai découvert en commençant au CFPJ. J’étais la plus jeune de la promo, j’avais 19 ans, et les autres avaient entre 25 et 32 ans, ils avaient des expériences dans la presse, des masters et compagnie, ils allaient entrer dans la vie active. Alors que pour moi, c’est le début de mes études. Il y avait un décalage, ils avaient une grosse culture métier. J’ai été impressionnée de découvrir ce métier-là, mais je ne l’ai pas aimé à Paris. J’ai adoré faire ce métier en Aveyron. J’ai construit l’attachement pour le territoire. Il y a cette manière de regarder les territoires d’en haut, depuis Paris. Et de Paris, on va te faire l’actualité en province. Je n’avais pas du tout envie de laisser cette place-là aux journalistes parisiens. Moi, je voulais être sur le terrain, le faire en Aveyron et pas de loin.

Qu’est-ce qui provoque la rupture qui te pousse à décider de voler de tes propres ailes, après une expérience à Midi Libre Millau ?

Lola Cros : C’est vraiment une rupture sociale. C’est la convergence de plein de tendances qui traversent le journalisme. Surtout la défiance. J’ai eu beaucoup de mal à l’accepter alors que tu essaies de faire le métier de la manière la plus honnête, et que tu te retrouves face à des critiques permanentes. C’était au moment des gilets jaunes. Il y avait eu des manifestations dures, on se fait confronter, on se fait insulter sur les réseaux sociaux, ça continue sur nos réseaux sociaux privés. Il y a une grosse pression des lecteurs, dure à gérer. Il y a aussi une grosse pression de la hiérarchie, des groupes, dans un moment où il y a moins de lecteurs, moins d’annonceurs. Il y a une crise économique qui te rappelle tous les jours que tu coûtes trop cher à ton journal. En même temps, ton lecteur te pense manipulée. Alors que le métier, tu l’aimes. Je me sentais prise entre ces deux tendances. Pour moi, la solution était la clef des champs. Il fallait que je m’en sorte. J’avais 25 ans. Je ne voulais pas faire ce métier coûte que coûte. L’idée a été pourquoi ne pas passer par l’indépendance et la pige. Je suis partie à Toulouse, j’ai travaillé à la pige pour différentes rédactions.

Ensuite comment est venue l’idée de te lancer dans le podcast FINTA ! ? Car même si tu as été formée multi canal, tu étais plus une journaliste de presse écrite, à Centre Presse, puis Midi Libre.

Lola Cros : L’idée est venue d’un magazine, qui avait été lancé par deux étudiants de l’Aveyron. C’était un annuel, ils ne voulaient plus le gérer, ils me l’ont proposé. Je suis partie de Midi Libre avec ce projet dans les cartons. J’ai été dans un incubateur à Toulouse, pour essayer de le monter. Mais au bout de 3-4 mois, je comprends que c’est trop loin de mon métier de journaliste. La partie gestion, montage financier, je n’y comprends rien, cela ne m’intéresse pas trop. Le confinement arrive à ce moment-là. Je me dis que je ne vais pas partir sur un média écrit, qui est cher à produire. Et je convertis tout mon matériau dans l’idée du podcast. Pour plusieurs raisons. Je suis une grosse consommatrice de podcasts. Et dans l’esprit de la défiance envers les journalistes, j’avais des agriculteurs qui m’avaient demandé de lire leurs propos avant de les publier. C’est quelque chose auquel on est habitués avec des politiques, des communicants rôdés à gérer leur image, mais venant d’agriculteurs, cela m’avait travaillé. J’étais repartie en me demandant comment ils accepteraient de témoigner sans avoir peur d’être manipulé. C’était l’idée de donner à entendre les gens sans être un filtre. Une journaliste de presse écrite digère la matière donnée pour la remettre en forme. Cette étape-là est subjective. Alors comment réconcilier toutes ces parties ? Je me suis dit que par l’oral, c’était bien. On voit dans les enquêtes d’opinion que c’est un média apprécié car il est proche, authentique, intime. J’ai pensé que c’était un média à aller chercher. Et aussi parce qu’en Aveyron, beaucoup de choses passent par l’oralité. Sur des sujets, on manque parfois d’archives écrites. A la croisée de toutes ces réflexions, j’ai pensé qu’un podcast rural pouvait être un défi. Car le podcast est plutôt un média urbain, consommé en ville par des jeunes. Je l’ai transformé en média de ruralité.

Obtiens-tu de bons scores sur tes podcasts ?

Lola Cros : Je n’ai pas trop d’éléments pour comparer. J’ai environ 1200 à 1500 écoutes par moi. Une fois que j’ai dit ça, je ne sais pas trop ce que ça représente. En moyenne, 600 écoutes par épisode. Cela paraît tout petit. Mais parfois, j’imagine 600 personnes dans une salle en train d’écouter un concert ou autre, je trouve que c’est pas mal. Surtout que le podcast est un média que tu vas chercher, à un moment où tu es disponible. C’est une écoute attentive. Ce n’est pas comme la radio qui traîne en fond dans la cuisine. Ce sont 600 personnes qui choisissent de venir, et qui reviennent ensuite. Je suis plutôt contente.

Avec le gantier Olivier Fabre, pour un futur podcast

Tu as choisi des profils très différents depuis la création de Finta !, avec Cinthia Born, Jérémy Bismuth, Vincent Benoît, Véronique Bras, Sébastien Gache, Stéphane Mazars, Emilie Vialettes. Puis récemment, tu as publié un Hors série, dédié aux « 50 ans du Larzac ». Ta baseline est « Exporer. Inspirer. S’engager ». A travers tes portraits, ta démarche apparaît de positiver sur des gens engagés.

Lola Cros : En fait, j’ai envie de donner envie à des gens de s’engager sur le territoire. De donner des modèles.  D’aller chercher des engagements qui habitent l’Aveyron. Pour donner des envies d’engagement, des inspirations. C’est ce qui rythme tous les entretiens. Aller chercher une parole inspirante. Et sur le Larzac, c’est un engagement riche. Il y avait une envie presque pédagogique d’expliquer cette lutte. Je me suis rendue compte que dans ma génération, et encore plus à Rodez où je vis, elle était moins connue. Alors qu’elle est porteuse de réflexion : je pense aux circuits courts, à l’écologie, à l’idée de remettre de la solidarité entre voisins pour se nourrir. Ce sont des problématiques qu’on entend beaucoup aujourd’hui. Pour moi, c’est un discours actuel que le Larzac a contribué à amorcer dans les années 70. Il y a une actualité qui mérite qu’on en parle, ce n’est pas pour aller dépoussiérer de vieux dossiers qui n’ont que peu d’impacts aujourd’hui. C’est d’éclairer aujourd’hui et demain à l’aune de ce passé-là, et montrer l’engagement. Moi, j’ai l’impression d’avoir manqué de modèles en Aveyron. J’ai eu l’impression que pour réussir ma vie, il fallait que je parte de l’Aveyron. Que si tu voulais être dans le coup, dans la tendance, à la pointe des nouvelles technologiques, il fallait être en ville. J’ai l’impression d’avoir grandi avec ça. Mais au-delà de l’exode urbain dont on parle actuellement, il y a déjà plein de gens qui ont fait le choix ici de vivre, de s’engager, et peut-être qu’on ne les connaît pas. Alors qu’il suffit de leur donner la parole pour donner envie à une génération des 20-30 ans, de revenir en Aveyron après leurs études. On m’a trop dit que les gens qui restaient en Aveyron était ceux qui n’avaient pas eu d’autre choix que d’y rester, par manque d’ambition, et qu’ils tombent dans un schéma plan plan.

Et toi, tu veux t’inscrire en faux sur cette idée ?

Lola Cros : Oui. Car je me base sur tous mes reportages sur le terrain pendant 7-8 ans comme journaliste de presse écrite. Tous les gens que je croisais sur le terrain me montraient que cette image était fausse, mais qu’il suffisait peut-être de le dire. C’est un peu la complémentarité entre savoir-faire et faire savoir. En Aveyron, on répète souvent « vivons heureux, vivons cachés ». Mais il va peut-être falloir s’exprimer, donner des modèles pour impulser une dynamique commune. C’est peut-être utopiste de dire ça. Mais je veux faire savoir, défricher, pousser des portes.

Tu disais que tu n’aurais pas pu faire ce métier ailleurs qu’en Aveyron. Tu as essayé à Toulouse et ça ne t’a pas plu.

Lola Cros : A Toulouse, c’était essentiellement de la pige, pour Média Cité. De l’investigation locale, politique. J’ai fait très peu de piges à Toulouse, je n’ai pas mon réseau, je n’ai pas trouvé des sujets, et en plus dans une période covid, où la vie fonctionne différemment. Je n’ai rien trouvé dans mon regard d’intéressant à apporter en plus que ce que font les autres journalistes à Toulouse. Alors qu’en Aveyron, il n’y a pas beaucoup de journalistes, et je trouve qu’il y a un terrain de jeu tellement vaste que c’est ici que j’ai envie de m’amuser.

Finta n’est pas un média qui te rapporte sur le plan financier pour le moment. Tu travailles en parallèle pour des piges. Pour quels médias ? Sur quels thèmes ? Est-ce que ça colle parfois avec Finta ou bien est-ce vraiment dissocié ?

Lola Cros : L’idée est d’arriver à trouver des sujets communs. Là, j’ai passé beaucoup de temps sur le Larzac pour Finta. J’ai pensé mon travail de terrain pour Finta, mais il m’a permis de vendre une pige pour le Monde, qui sortira en mai. Essayer de faire se répondre un même travail dans différents médias, je trouve que c’est intéressant. Même si c’est difficile car tu ne parles pas du Larzac en Aveyron, comme tu parles du Larzac aux lecteurs du Monde. Il y a un équilibre à trouver. J’essaie d’utiliser la matière pour différents canaux. Je travaille encore beaucoup pour le groupe Dépêche, pour des suppléments thématiques, agriculture, économie, des portraits d’Aveyronnais expatriés. Pour le Monde occasionnellement, pour des sujets ruraux. Et à Toulouse, Media Cité, et dernièrement sur Street Press pour des procès judiciaires.

Est-ce que le Podcast, qui est basé sur une interview et un axe positif de la personne, ne trouve-t-il pas la limite de l’absence de contradiction sur la personne car ce n’est pas toujours facile en vis-à-vis de s’opposer ? Réfléchis-tu aussi à cet aspect-là ?

Lola Cros : Oui, car j’ai eu du mal à accepter le côté qui peut paraître un peu gnan-gnan, de « Tu es inspirant, est-ce que je peux venir te poser des questions ? » Il y a un côté léger que j’assume à moitié. Il y a des jours où j’assume très bien, et les retours sont plutôt positifs, les gens ont envie d’entendre quelque chose de positif et inspirant. Moi, je ne l’assume pas toujours. Je trouve que ça manque parfois de répartie et de contradiction. Mais je ne n’ai jamais été quelqu’un de rentre-dedans. C’est souvent le cas dans l’interview politique. Si tu vas direct contre la personne, tu n’obtiens rien. Je n’ai pas forcément envie d’être dans la contradiction et de pousser les gens dans leurs retranchements. J’ai beaucoup réfléchi à cette question. J’assume que dans Finta, je vais voir une personne, avec ses limites de personne, pour comprendre comment son environnement affectif a contribué à son engagement. C’est la construction d’un parcours qui m’intéresse, sa vie très personnelle. Et un moyen de s’identifier. Je me suis posée la question pour un épisode sur l’agriculture, je crois, d’arriver avec des chiffres à opposer à mon invité s’il me donne des chiffres différents. Je n’ai pas envie d’aller dans une confrontation de chiffres, un peu énervés, un peu froids. Par contre, je ne veux pas tout laisser passer. Sur Le Larzac, sur la SCTL, c’est un exemple vertueux, qui donne à réfléchir, mais qui est aussi critiqué en interne et en Aveyron. Je ne me suis pas gênée pour poser la question à Solveig Letort sur ces critiques d’un manque de transparence. J’ai donné la possibilité à Solveig de s’exprimer sur les critiques. Ok, j’aurais pu aller bien plus loin mais ce n’est pas mon approche.

Tu as eu une reconnaissance rapide de Finta ! Avec une présentation dans « Carnets de Voyage », l’émission de France Inter, et « Elles font l’Occitanie », de la région Occitanie après seulement 6 mois de diffusion. Est-ce une satisfaction ?

Lola Cros : Je suis super contente du retour. Les médias locaux reconnaissent que j’apporte quelque chose d’autre par rapport à ce qui existe. C’est l’idée que je voulais. Je ne voulais pas prendre la place, ou venir en redite à la presse locale. Je voulais apporter autre chose. Moi, avec Finta !, je touche les 25-35 ans, une cible difficile à toucher pour la presse locale. J’ai réussi à prendre une petite place dans l’éco système local. Cela participe de la reconnaissance. J’ai été ravie que France Inter fasse un petit zoom sur moi. Plein de plateformes conseillent des podcasts, et je suis souvent citée pour les territoires ruraux. Cela va bien avec l’ambiance politique globale où il faut redorer les territoires.

C’est un média que tu produis seule. Est-ce facile d’être une rédaction à toi toute seule, et d’être isolée ?

Lola Cros : Je suis partagée. Le collectif me manque souvent. Même si je suis partie de Midi Libre avec presque une horreur du collectif. J’ai besoin d’être indépendante. Mais je me pose surtout la question de la pertinence de choisir, faire et monter des sujets seule. Je n’hésite pas à confronter mes idées. J’ai un ingénieur du son qui me mixe les épisodes, il a un regard intéressant. Il me confronte parfois sur la forme. Et j’ai aussi beaucoup de retours sur les réseaux sociaux, des gens m’écrivent, me donnent des idées, me disent Bof sur tel épisode. Quand j’ai sorti l’épisode sur Stéphane Mazars, on m’a écrit qu’on ne voulait pas voir de la politique sur Finta. Je l’entends. Ces retours-là me font sortir de ma solitude. Mais je suis partagée, car c’est un média personnel aussi. Je me suis demandée si Finta pouvait être un collectif. Mais je ne me vois pas donner le montage à quelqu’un. Par contre, dans la partie réflexion des sujets en amont, j’ai pensé à un petit groupe, qui pourrait faire évoluer Finta. Une petite bulle d’échanges serait sympa.

Tu parles de l’épisode sur Stéphane Mazars. Et finalement cet épisode a provoqué une réorientation, je ne sais pas si elle est provisoire ou définitive, de ta vie. Avec le fait de devenir sa collaboratrice parlementaire. Est-ce une option que tu avais envisagée ou qui s’est improvisée dans ta vie ?

Lola Cros : Ce n’était pas du tout prévu. Je ne suis pas du tout attirée par la politique politicienne. Quand j’ai sorti l’épisode, Stéphane Mazars m’a demandé de passer le voir, et m’a proposé ce poste de collaborateur parlementaire. Des journalistes qui basculent dans la communication ou politique, on en connaît d’autres, et je n’avais pas du tout envie d’en faire partie. Mais cela a piqué ma curiosité. Je trouve que c’est dans la droite ligne de l’engagement que j’ai envie d’avoir pour le territoire. Avec Finta, il y a un engagement pour la ruralité. Ce que me propose Stéphane Mazars, c’est toute la partie communication, et au-delà, d’être ses yeux sur le territoire. Faire le lien entre son travail de parlementaire à Paris et son travail de terrain en Aveyron. Recevoir les gens qui veulent le voir, préparer les dossiers pour lui, sentir des tendances, des signaux faibles qui traversent le territoire et donc le député a besoin de se saisir. Je trouve que c’est dans la droite ligne de ce que je fais déjà comme journaliste. Le travail de terrain et défricher des sujets, c’est mon métier. L’idée que je mets toute cette matière sur son bureau, et que lui l’utilise pour son travail politique me convient. La politique fait partie de ces thématiques qu’on critique beaucoup. Il y a une défiance à l’encontre des politiques, que je trouve inquiétante. Je n’ai pas envie de me résoudre à cette défiance envers les politiques, les journalistes, les élites. Donc je me suis dis OK. Je ne crois pas que je ferai une carrière politique derrière. Je ne veux pas dire Jamais, car je ne sais pas de quoi demain sera fait. Je suis plutôt à suivre les opportunités, qu’à avoir un plan de carrière. En tout cas, ça m’intéresse de voir la politique de l’intérieur.

Sauf erreur, Stphane Mazars avait voté en faveur de la poursuite de l’utilisation des glyphosates. Tes choix de sujets te montrent plutôt engagée sur le plan de l’écologie. Est-ce que ce point pourrait achopper entre vous ? L’as-tu questionné sur ça ?

Lola Cros : J’ai commencé sur les chapeaux de roue. On n’a pas pris le temps de parler de ces sujets. Il est clair que je ne suis pas militante, pas encartée, et je ne partage pas toutes les idées de la majorité. Je me retrouve avec lui sur les envies un peu progressistes, et d’ancrage sur le territoire. Toutes les idées sur le territoire, on s’y retrouve. Sur les glyphosates, il a un discours plus pédagogique, il n’est pas forcément à l’aise. C’est un compromis entre le terrain, la nécessité de légiférer au niveau national alors qu’il y a des problématiques très aveyronnaises. Les problèmes autour de la PAC arrivent, elle sera bénéfique pour plein d’agriculteurs, mais pour ceux en zone montagne, elle sera catastrophique. Est-ce que ce sont les intérêts nationaux ou de ton territoire qui prennent le dessus dans ces cas-là ? Je n’ai pas envie de tomber dans une approche manichéenne de la politique, car je ne maîtrise pas bien tous les sujets. Je n’ai pas envie d’être dans la confrontation. Et je trouve que Stéphane Mazars est dans cette optique-là. Je sais que sur les glyphosates, nous sommes d’accord qu’ils ne sont pas l’avenir de l’agriculture. Moi, je ne me gênerai pas pour lui dire les points où nous ne sommes pas d’accord. D’ailleurs, il l’attend, il me l’a clairement dit. Il ne cherche pas des petits soldats qui exécutent. Nous ne sommes pas ses secrétaires. Nous sommes là pour aller au fond des sujets avec lui. Mais son jeu politique lui appartient.

As-tu eu la crainte de l’avenir de Finta en acceptant cette proposition d’une fonction politique, même si tu n’es pas encartée ? As-tu réfléchi à la poursuite de ton projet ?

Lola Cros : Oui. Cela a été clair avec lui, je lui ai demandé si c’était compatible, car il n’était pas question d’arrêter Finta. Je travaille à temps partiel pour lui. Moi, je voulais que ce soit compatible. Mais j’ai un peu peur que les gens pensent que je choisis les invités par rapport à l’action politique de Stéphane Mazars. J’espère que ce ne sera pas le cas. Après, la politique, elle est dans tous les sujets. Si je vais voir un agriculteur, un artisan, il y a toujours quelque chose qui va chercher la politique. Je ne m’interdirai pas de donner la parole à des personnes avec des idées opposées à lui. Là, je vais finir la saison de Finta avec José Bové, et ils ne sont pas en phase. Je ne vais pas m’interdire d’aller voir des gens. Mais je veux aussi être loyale. Il faut que ce soit transparent pour les auditeurs. J’ai encore des piges à paraître en mai. Mais je vais arrêter la pige pendant que je suis attachée parlementaire. Il n’est pas question que j’écrive pour Centre Presse dans cette période. Je veux être transparente

D’autant plus qu’il y a une échéance électorale proche avec la campagne des régionales.

Lola Cros : Il y a une échéance pour Stéphane Mazars. Mais l’équipe parlementaire n’est pas associée à la campagne. On n’a pas le droit de travailler pour sa campagne.

L’expérience prouve que le monde journalistique et politique évolue souvent ensemble, et que beaucoup de journalistes sont passés du côté de la politique. Cela t’avait-il inspirée ?

Lola Cros : Non, cela m’avait plutôt fait peur. J’avais plutôt l’image de journalistes en fin de carrière qui trouvent une voie dans des cabinets politiques. Moi, cela ne me faisait pas rêver. Et je pense d’ailleurs que cette proximité participe de cette défiance envers le journaliste et envers le politique. Je ne suis pas super à l’aise d’en faire partie. Mais à la fois, je trouve que le travail est assez proche de celui d’un journaliste en local. Les dossiers traités comme journaliste sont aussi ceux qui sont sur le bureau du député. Je me pose beaucoup de questions sur le métier de journaliste. Est-ce que couvrir la PAC dans les journaux suffit ou est-ce seulement poser des questions sur des choses où on n’a aucune prise ? Avec le même dossier auprès du député, je vais peut-être voir ce qui se joue dans les cercles de décision, et pas seulement commenter. J’ai envie de découvrir l’autre aspect. Je suis sûrement naïve. C’est ma curiosité qui m’a amenée là.

Et sans doute aussi l’amour de l’Aveyron ? Pour lui, comme pour toi, l’envie de montrer que ce département est riche, qu’on y agit.

Lola Cros : C’est une ligne qu’on a en commun, la plus solide. C’est sûrement ce qui nous rapproche le plus. L’idée de faire avancer le département, d’en être fiers, de lui donner une voix au chapitre. D’incarner une ruralité qui en veut, dans sa spécificité. Je suis attachée à dire que la ruralité n’est pas en retard sur les villes. Elle existe différemment. C’est ce qui me guide. Et Stéphane Mazars est quelqu’un de consensuel, il n’est pas agressif ou clivant.

Tu termines chaque podcast par la même question posée à tous tes invités. Je vais donc te poser moi aussi cette question : « En quoi tu crois ? »

Lola Cros : Elle est dure, cette question ! Moi, je crois à une forme de solidarité, en une échelle humaine pour tout. Je pense qu’à partir du moment où on connaît les gens autour de nous, qu’on sait qui va payer le prix de notre action, de notre choix, c’est aussi valable pour le journaliste qu’on va croiser la personne demain, pour le politique, qui va impacter sur son voisin. Quand on est connectés, cela remet du bon sens, de la solidarité, du respect dans les relations. Le fait de tout libéraliser, de voir qu’on évolue dans un monde immense, fait qu’on n’en vient à plus se soucier de celui qui est à côté de nous. Moi, je crois à plus de connexions pour aller vers plus de vertu. Je suis un peu bisounours. Mais je n’ai pas envie de me changer pour faire croire que je suis un roc. J’ai envie de garder cette naïveté. Je n’ai pas envie de me résigner. Il y a plein de sujets qui me révoltent dans la société, plein de sujets où j’ai envie de m’engager. Même si c’est trop gros. Je crois beaucoup à l’échelon local pour mettre de la vertu, et faire les choses en grand. J’ai souvent l’image d’un puzzle où chacun vit sa vie, et est aussi imbriqué aux autres. C’est une image qui me suit. Je crois en l’échelle locale qui est forcément responsabilisante.

Entretien réalisé par Odile Baudrier

Photos réalisées par Gilles Bertrand