FEST’TRAIL : « ce serait bien pour mamie Galtier »

 
Au pied de la vierge, sur le marbre craquelé, une bouteille de lait et des fleurs séchées, composition incongrue, posée là sans savoir pourquoi. A côté, une bougie, sur le verre, de fines gouttelettes en dégoulinade, un message « Vierge Miraculeuse, priez pour nous ».
 
9 heures du mat, un dimanche à déambuler dans les ruelles du village de Lapeyre par un temps saule pleureur sous un ciel pleurnicheur. Je croise Joël, Monsieur chemin de rando au Parc des Grands Causses. Il habite à deux pas, sa maman encore plus près, la maison au-dessus du porche où autrefois une petite bergerie sous la roche abritait les brebis à l’abris du loup. Joel porte des bottes et un ciré «mon cheval a de la fièvre. Il a sans doute été piqué par une tique». Il ne dissimule pas son inquiétude, il craint une piroplasmose.
En cette journée du patrimoine, petite visite guidée, improvisée dans les pas de ce fin connaisseur du moindre sentier, du moindre ravin, du moindre muret bâti par des mains caleuses et râpeuses. Nous descendons vers la rivière, nous passons sous le porche, au centre d’une placette, posée sur un socle, une ancienne roue pour autrefois, écraser le plâtre, dernier vestige sauvé de la mine de la Frégière.
En remontant, nous passons dans une petite ruelle, grande baie vitrée, quelques pots de fleurs bien alignés, Joël raconte « autrefois, c’était l’épicerie ». Derrière le carreau, une mamie assise dans un fauteuil prend son petit déjeuner « c’est Madame Galtier, c’est notre centenaire, elle a 103 ans ». Je suis impressionné, je quitte Joël, son cheval l’attend dans son pré détrempé sur l’autre versant de la vallée. Je rejoins le vieux pont de Lapeyre.
 
Le ravitaillement du Fest’Trail est installé juste en contrebas. On devine le toit pointu de la petite tente bienfaitrice protégeant de la pluie trois bénévoles enrôlés au service du jour. Au menu, coca local, chips artisanales, fruits secs, carrés de melons et grappes de raisins. Des fidèles de toutes les courses locales, des discrets, des enjoués, parfois le dossard sur la poitrine, parfois à donner le coup de main. Il y a Samuel, le nouveau président du comité des sports de St-Affrique, également président d’un club de tir à l’arc. Il plaisante en parlant de Mathias Hervas l’organisateur de cette course « Si Mathias est un bon organisateur, c’est qu’il a eu un bon prof de sport ». Christine à ses côtés se marre, elle a le sourire facile et éclatant, elle désigne du doigt Samuel « le prof de sport, c’était lui ».
 
La pluie crépite sur la bâche mais n’attaque pas le moral du trio en attente des premiers. Chacun y va de son pronostic « Mathias a dit, le premier, il sera là au bout de 30 minutes ». On fait la moue le temps de recalculer la moyenne, le troisième larron interpelle le tireur à l’arc « attends un peu mais ça fait du 24 km/heure ». Samuel se marre «il a juste dit cela pour être certains que nous soyons à l’heure ».
Le premier passe, à fond, le second passe, à fond, le troisième passe, à fond, le quatrième toujours à fond. Ca chasse, ça se pourchasse. Pas même un regard aux grappes de raisin. Qu’importe, les trois bénévoles n’en prennent pas ombrage et encouragent. La suite du peloton, des crispés, des détrempés, des timides, des réservés, des bavards, des souriants, des cools, des inquiets mais au final, une fois le verre de coca colt avalé, une fois les talons tournés, c’est toujours un petit « merci » de dégainé et en retour un « bonne course « décroché pour encourager.
 
11 heures au clocher de l’église, le ciel ne s’est toujours pas déchiré, sur les hauteurs, des nuages accrocheurs, moqueurs. En prévision, un dimanche canapé pour certains, un dimanche champignon pour les plus courageux, un dimanche Fest’Trail qui prend déjà fin pour les plus valeureux.
 
Samuel part à la rencontre du fermeur attardé. je m’esquive avec moi aussi un « merci » de l’accueil et de la petite causette, Christine me renvoie «à bientôt aux Templiers ». Sur le chemin du retour, dans la petite rue conduisant à l’église, Mamie Galtier est toujours devant sa fenêtre, assise, un plaide sur les genoux. A mon passage, elle jette un regard vif. Par politesse, je fais un signe de tête. Une idée perce l’écran de pluie et me traverse « si la course passait là, devant sa fenêtre, ce serait bien pour mamie Galtier ».
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Photographies réalisées le 19 septembre 2021 au vieux pont de Lapeyre, vallée de la Sorgue, à l’occasion du Fest’Trail des 7 Collines

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