Laurent et Laurence Glinz, autodidactes de la vente en ligne bio

Sous leurs dehors tranquilles, Laurence et Laurent Glinz dissimulent un sérieux goût du risque. Il y a près de 15 ans, ces deux Parisiens bon teint n’ont pas hésité à bazarder leur travail et leur maison pour rompre avec leur vie parisienne et s’installer à Millau pour y gérer une boutique de produits biologiques. Un choix osé à considérer que le couple ne connaissait en fait même pas la ville ! Ce premier grand virage fut suivi d’un autre changement radical, il y a huit ans, l’abandon de l’activité d’épicerie biologique pour un site internet de ventes en ligne de produits diététiques et compléments alimentaires, espace-produits-bio.com, entièrement créé par Laurent, pourtant un autodidacte d’internet.

Pouvez-vous présenter votre activité de vente par internet de produits diététiques ?

Laurent Glinz : Nous sommes arrivés ici en 2007, c’était une épicerie de fruits et légumes BIO, il n’y avait pas de site internet. Je n’y connaissais rien. D’ailleurs, à l’époque, je n’avais même pas un ordinateur ! Et puis, je me suis dit Pourquoi ne pas vendre sur internet ? J’ai mis une dizaine de produits sur internet, on a reçu des commandes avec règlement par chèque, après, j’ai travaillé avec PayPal et par carte bancaire. Puis, c’est monté, c’est monté, il y a eu beaucoup de commandes. Il devenait compliqué de gérer les fruits et légumes et le site internet. On a décidé d’arrêter les fruits et légumes en 2013. On a voulu garder le magasin, on l’a rénové, car à l’époque, il n’y avait pas de chauffage et pas de clim. Au départ, j’avais débuté internet avec un site très simple, gratuit. A ce moment-là, je suis passé sur un site plus perfectionné, avec beaucoup plus de choix pour mettre en valeur les produits, de plus belles photos. C’est un site vraiment professionnel, avec un abonnement élevé chaque mois. Je passe entre 3 et 4 heures par jour à installer de nouveaux produits, les mettre en valeur, vérifier les allégations, mettre de belles photos, avoir des prix compétitifs. Je fais un peu de pub sur Google, le budget peut vite devenir gros, un clic coûte environ 1 euro. Moi, je veux travailler, je fais des grosses journées, mais je ne veux pas me développer pour avoir 10 ou 20 employés. Je préfère que nous soyons seulement tous les deux, moi et ma femme. Un site internet demande beaucoup de travail ! Même le week-end, je suis sur l’ordinateur.

Vous aviez déjà pris un premier virage de taille lorsque vous avez décidé de quitter Paris, et vous avez pris à nouveau un gros risque, de transformer une épicerie bio en site de vente de compléments alimentaires.

Laurent : oui, c’est prendre un risque. C’est comme quand on a quitté la région parisienne. On est arrivés à Millau sans connaître personne. On a quitté les deux boulots, vendu la maison, on ne voulait pas la garder pour ne pas avoir la tentation de revenir un jour. Cela fait 14 ans qu’on est partis, et on ne regrette rien. Comme je dis à mes amis, ici, je suis en vacances tous les jours. Nous, on ne prend jamais de vacances, on prend juste des week-ends de 3-4 jours, et en 14 ans, on n’a pas pris 3 semaines de vacances.

Laurence : On suit le mouvement. On ne se projette pas dans le futur assez loin. Il y a des gens qui pensent les choses loin. Nous, certains changements se sont faits parce qu’on a suivi. On n’a pas subi, mais on a suivi. A un moment, on a bien vu que les fruits et légumes Bio, les céréales pouvaient se trouver dans les grandes surfaces. On s’est dit qu’il fallait prendre le tournant. Le site se développait, on a su prendre le virage. En fait, on a suivi l’évolution de la société : internet est incontournable. Même en local, et on l’a d’ailleurs vu pendant le premier confinement.

Laurent : on vend environ 90% sur internet et 10% en magasin. On savait qu’en arrêtant l’épicerie, on aurait moins de monde. Mais on savait aussi que le travail serait plus agréable pour nous. Chaque jour, il fallait trier, ranger, porter les cartons. Je recevais des palettes énormes. Maintenant, j’ai des livraisons tous les jours, mais de petits colis.

Avez-vous suivi une formation ou avez-vous été conseillé pour créer votre site ?  

Laurent : J’ai tout fait, j’ai intégré des produits qui me semblaient qu’ils allaient marcher. D’autres où j’hésitais. Sur internet, il faut être bien référencé, mettre de bonnes URL. J’ai tout appris par moi-même. J’ai acheté un bouquin il y a une dizaine d’années. Encore actuellement, je me forme. Je retravaille les URL, il faut avoir un bon code HTML. J’ai appris à aller dans le code source.

Combien de produits proposez-vous sur le site ? Quels sont les produits phares ? Qui sont vos clients ?

J’ai environ 800 produits sur le site. Le produit phare, c’est le silicium, pour les articulations, les produits pour le transit, le sommeil, le stress, le foie, et les colorations cheveux. Les gens sont plus stressés avec le COVID. Les commandes viennent de toute la France et de l’étranger aussi, Suisse, Allemagne, Espagne, Italie, et aussi du Canada et du Japon. Nous avons beaucoup de clients d’Europe, d’Angleterre. L’important, c’est le référencement.

Pourquoi aviez-vous décidé de quitter Paris pour vous installer à Millau ?

Laurence : mon mari était dans la restauration. Moi, j’étais gestionnaire de sinistres au siège d’une grande compagnie d’assurances, avec beaucoup d’avantages. Nous vivions à l’est de Paris, je travaillais à l’Ouest. Ce sont surtout les transports qui nous ont donné envie de quitter. On ne voulait pas imposer à nos enfants d’avoir la même vie que nous, de prendre les transports pour aller au collège. On s’est dit que ce n’était pas humain.

Laurent : avoir 3 heures de transport chaque jour, partir travailler, revenir pour faire les courses, s’occuper des enfants. Même maintenant, je me demande comment on faisait ! Ma femme me répond « On le fait car on ne se pose pas de questions ». Je disais toujours qu’on partirait dans le sud quand je serai à la retraite. Ma femme m’a dit « Quand tu vas arriver là-bas, tu vas connaître qui ? tu seras tout seul dans ton coin ». Puis j’ai laissé tomber, mais elle m’en reparlait souvent. Du coup, on s’est décidés. J’avais envisagé d’acheter un petit snack dans la restauration. Nous avons vu une annonce rue de la Capelle à Millau. En fait, nous ne connaissions pas Millau ! Nous sommes venus au mois de novembre, la rue de la Capelle ne nous a pas plu. Nous sommes passés rue du Mandarous devant le magasin Bio. Ma femme a réalisé que l’agence nous l’avait proposé, et qu’on avait dit non. Comme nous étions là, nous sommes entrés. Nous avons fait une offre et voilà !

Souhaitiez-vous aussi bâtir un projet en couple ?

Laurence : Pour les fruits et légumes, il fallait être deux. Pour le site, il faut être entre 1 et 2. Alors, je travaille à mi-temps pour le site, et j’ai un emploi à temps plein en plus, dans les assurances. L’avantage d’internet est qu’une partie du travail peut être faite à temps choisi. Le matin, on fait la facturation. A midi, je peux faire les colis, prêts à partir pour 14 heures. J’ai préféré saisir une opportunité dans les assurances, car on savait que nos enfants allaient partir en études supérieures, et qu’il fallait anticiper pour les budgets. Les deux boulots me plaisent. Je ne supporte pas de rester sans rien faire ! Le soir, quand il va courir, je fais la compta. Finalement, ce rythme qu’on avait à Paris, on ne l’a pas complètement arrêté. J’ai besoin d’être en mouvement.

Comment se sont passés vos débuts à Millau ?  

Laurent : Au début, j’ai eu du mal car ce n’est pas évident quand on ne connaît personne, ce n’est pas évident. Cela a duré 2-3 ans. En fait, j’ai rencontré du monde quand j’ai commencé à courir. Maintenant, je connais plein de monde. Quand j’amène mes colis à la poste, je rencontre toujours quelqu’un. Je discute 5 minutes ou un quart d’heure, ou je reviens directement. J’ai une grande qualité de vie malgré les heures de travail. Jamais je ne voudrais repartir d’ici.

Laurence : au début, le magasin lui a demandé beaucoup de concentration. Il n’était pas ouvert aux autres. Moi, je voyais plus de monde, avec les enfants, l’école.

Aviez-vous déjà couru avant de reprendre ici à Millau ?

Laurent : je n’avais jamais fait de sport de ma vie. J’avais couru une fois sur les bords de la Marne, et j’ai trouvé que ce n’était pas pour moi !

Laurence : Vous savez comment il est arrivé à la course à pied ? J’avais une amie qui voulait faire la Course du Viaduc en 2014. J’ai dit Si tu le fais, chiche, moi aussi ! Je me suis inscrite, je me suis préparée, et j’ai couru toute seule car elle était blessée. Quand je suis arrivée, il m’a dit Moi aussi, je peux le faire. Et il s’est mis à courir.

Laurent : Du jour au lendemain, je courais tous les jours 7 sur 7, pendant 2 ou 3 mois. J’étais à bout, je n’en pouvais plus. J’ai fait le Viaduc en 2016 et 2018. J’avais eu du mal. La deuxième année, j’avais mis le même temps, mais j’avais moins souffert. Moi, je suis plus trail que route. J’ai fait pas mal de courses du Festival des Templiers, j’ai été aussi bénévole pour l’association 12.COM. La première année, je courais seul, je faisais beaucoup de route. Ma femme me disait d’aller en club. Je suis rentré à 12.com. Les deux premières fois à la piste, j’avais l’impression qu’ils se connaissaient tous. Ils se parlaient, de leur oncle, de leur copain. Je pensais qu’ils n’allaient jamais me parler ! Et puis, je me suis intégré. Maintenant, on se voit, on se fait des soirées, des restaus.

Je dis souvent à ma femme que j’aurais bien voulu naître à Millau. Je connaîtrai tout le monde. Ils ont une chance, ils ne s’en rendent pas compte. C’est un luxe d’aller quelque part et de connaître les gens, le garagiste, le pharmacien. A Paris, dans le métro, vous ne connaissez personne. J’aurais aimé avoir grandi ici pour connaître tout le monde. Je dis souvent Ici, c’est chez moi.

Laurence : il a fait le marathon de Paris, il ne s’est pas senti bien, il s’est assis sur les marches d’une station de métro. Les gens se sont attroupés, et lui ont demandé s’il était français. Et il a répondu « Je suis Aveyronnais ».

Entretien réalisé par Odile Baudrier

Photos : Gilles Bertrand

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