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Betty Gonzalez, un combat pour l’autisme

Depuis près de deux ans, la Millavoise Betty Gonzalez s’implique dans l’association « Millau Autisme » pour mieux faire comprendre ce handicap, qu’elle vit au quotidien avec son fils de huit ans. L’idée originale de « Millau Autisme » est de faciliter la participation des enfants autistes à des activités sportives, avec l’objectif d’augmenter leur autonomie, et aussi de créer des moments de répit pour les familles confrontées à un handicap quelque peu méconnu, et si complexe à gérer.

Vous êtes présidente de l’Association « Millau Autisme », qui organise ce dimanche la « Marche Bleue » destinée à sensibiliser sur l’autisme. Pourquoi avoir créé « Millau Autisme » ?

L’association a été créée en décembre 2019, suite à une période difficile que j’ai passée avec mon fils, qui est autiste, sur l’idée lancée par mon beau-père, Guy Marolleau, ancien directeur du Foyer Soleil à Millau, me voyant désespérée et en difficulté. Nous avions passé des vacances ensemble en Espagne. Moi, je n’avais pas pu manger avec eux, pas pu faire de sorties, car le quotidien était très lourd et je m’étais épuisée pendant ces vacances. En rentrant, il a dit « Il faut faire quelque chose pour les enfants, mais aussi pour vous, les parents, pour vous aider. Je te vois, tu es en train de sombrer. Ce n’est pas possible qu’il n’y ait pas un organisme, une association, qui vienne te soulager un petit peu, qui te permete de passer un bon moment, et lui aussi, pour que tu sois sereine un moment. » L’association est née de là. Guy Marolleau a fait toutes les démarches pour la créer, et m’a demandé de devenir présidente. Puis le COVID est arrivé, mais on n’a rien lâché et l’association a pris son envol depuis un an. Nous avons été suivis par la ville de Millau, le Département, à petites échelles, mais cela a permis de débuter les prises en charge. Nous avons commencé la « Marche Bleue » l’année dernière, avec le soutien des Gazelles, du Rotary.

Quelle est l’action choisie par cette association ?

Nous proposons essentiellement du loisir et du sport, et nous n’agissons pas dans l’éducatif, comme le fait l’association « Autisme Aveyron ». L’idée est plutôt de soulager les aidants et les parents de Millau et alentours, et de financer l’inscription à des activités sportives et de loisirs. Il y a une quinzaine de familles adhérentes et huit enfants autistes sont suivis régulièrement. Nous proposons des activités gratuites, par exemple Micropolis ou Pitchouland pendant les vacances, et nous finançons trois éducatrices spécialisées, qui accompagnent les enfants sur les activités sportives et extra-scolaires. Par exemple, un enfant faisait du vélo, c’était compliqué pour lui : on se moquait de lui car il avait des réactions différentes des autres. L’éducatrice a fait tout un travail d’accompagnement avec lui, et d’information auprès des autres enfants pour expliquer ses réactions. Mon fils fera du rugby cette année, accompagné de l’éducatrice. C’est du rugby entre guillemets : il va participer au cours, mais il n’a pas les compétences sociales, surtout qu’il est non verbal, pour effectuer les exercices. C’est plutôt de la psychomotricité, et lui, il s’amuse, il prend plaisir. Il est obligatoire de mettre quelqu’un avec ces enfants-là. Du coup, il peut prendre plaisir et moi, j’ai un peu de répit. L’autisme, c’est vaste, cela va de l’autisme lourd, comme pour mon fils, aux autistes Asperger, qui parlent très bien, et raisonnent. Mais les autistes, qui ont des difficultés au niveau du langage, doivent être accompagnés pour tout. L’accompagnement sur des activités régulières, surtout s’il démarre jeune, permet de gagner en autonomie. C’est aussi le but. Pourquoi pas un jour pourra-t-il y aller tout seul ?

Votre association s’implique dans le périscolaire et le loisir. Le problème scolaire est-il important en Aveyron pour les enfants autistes ?

Nous sommes tout de même privilégiés en Aveyron, et à Millau. Nous n’avons pas les problèmes des grandes villes, où énormément d’enfants autistes ne sont pas scolarisés. Il y a de gros problèmes car il n’y a pas assez d’Assistantes de Vie Scolaire, qui doivent être en permanence en classe avec l’enfant. Mais à Millau, il n’y a pas trop ce problème-là, les enfants sont bien accompagnés. La prise en charge est bien faite, tous les professionnels de santé se mettent en lien, pour faire avancer ensemble l’enfant. Pour le mien, ça se passe ainsi. J’ai rencontré pas mal de familles, qui ont fait le même constat que les professionnels avancent ensemble.

Avant cette association, faisiez-vous partie d’un groupe de parole de parents d’enfants autistes ou bien viviez-vous plus cette situation en solitaire ?

Je vivais ça toute seule. C’est lourd parfois car on a l’impression d’être seule à vivre ça. En créant l’association, j’ai rencontré énormément de parents d’enfants autistes. On se sent moins seule. Nous avons pu échanger, au niveau des professionnels de santé, ou des astuces de la vie courante, nous partageons nos expériences. L’association Millau Autisme organise aussi des rencontres parents-enfants, autour d’un repas, d’un apéritif, pour créer un moment d’échanges. Nous avons aussi invité un intervenant qui a fait une formation sur l’autisme pendant une journée, destinée aux adhérents, à tous les parents, et aux personnes intéressées d’en savoir plus sur l’autisme. Moi, avant que le diagnostic tombe pour mon fils, je ne savais pas ce qu’était l’autisme. J’en avais entendu parler, mais pas plus. Quand on est touchés, on s’implique plus, on est dedans toute la journée, on se renseigne, on a beaucoup plus de compétences.

L’autisme est souvent détecté très tardivement. Selon votre expérience, est-ce que dans l’Aveyron, la détection fonctionne bien ?

Pour l’Aveyron, ça va. Il faut compter 6 à 9 mois avant d’avoir un diagnostic. Le bilan se fait au Centre Autisme de Rodez. C’est relativement correct quand on voit les délais dans d’autres départements. C’est plus rapide quand le médecin le voit avant les trois ans. Mais j’ai vu des ados de 16 ans en difficulté, et le diagnostic est plus long car ils ne sont pas prioritaires.

En quoi consiste le diagnostic ?

Ce sont des tests, au niveau visuel, sonore, différents selon les âges. A partir de là, un bilan est établi. Mais déjà, on avait des éléments. Il ne regardait pas dans les yeux. Il ne répondait pas à son prénom. Tous les autistes ont des traits de caractère identiques. Ils sont tous captivés par la lumière. Les sons peuvent vraiment les déranger.

Pourquoi est-ce important d’effectuer le diagnostic tôt puisqu’il n’y a pas vraiment de traitement pour l’autisme. Est-ce que tout de même cela sécurise mentalement de voir un diagnostic posé sur les difficultés rencontrées avec son enfant ?

Généralement, les parents s’en doutent. Quand l’annonce se fait, c’est la douche froide bien sûr. Car là, il n’y a plus de doutes. Mais tous les parents le voient avant même les professionnels. C’est vrai qu’au début, on reste un peu dans le déni, on se dit que c’est une mauvaise période, que ça va passer. Mais en grandissant, on voit bien que ça ne passe pas, que les problèmes grandissent avec lui. Au départ, on se sent seuls, on a l’impression que ça n’arrive qu’à nous. Mais c’est bien que l’autisme soit pris en compte très très tôt car à l’époque, ce n’était pas le cas. On a la mauvaise expérience de voir que des autistes ont 30-35 ans et n’ont pas eu de prise en charge adaptée. Ils n’ont pas développé la parole, les gestes quotidiens. Alors qu’avec une prise en charge dès le plus jeune âge, il y aura une évolution, bien sûr en fonction des enfants. A force de travail, il y a une progression. Il ne faut rien lâcher. Ils peuvent essayer de se construire, et gagner en autonomie.

L’autonomie est votre objectif prioritaire.

Moi, mon objectif est qu’il parle, qu’il puisse s’habiller. Je ne demande pas grand-chose. Juste les gestes du quotidien. Il n’a que 8 ans, je ne peux pas trop voir l’avenir. Je ne sais pas s’il pourra vivre tout seul, dans un appartement, se faire à manger. C’est un chemin qu’on doit faire aussi dans la tête, nous les parents. Je pense qu’il va arriver à faire plein de choses, car il fait des choses étonnantes. Mais c’est dur pour lui.

Peut-on dire qu’il se situe plutôt comme un enfant de 4 ans ??

En fait, l’autisme n’est pas de la déficience. Pour certains domaines, il réagit comme un enfant de son âge. Et pour d’autres domaines, il n’y arrive pas. Dessiner un bonhomme, il le fera comme un enfant de 4 ans, ou même 3 ans. Mais il comprend tout, il analyse tout différemment. En classe, pour des exercices, il fait différent, mais c’est logique. C’est vraiment une différence, ce n’est pas de la déficience mentale. Ils voient les choses différemment. J’ai fait une formation sur l’autisme. La formatrice nous montrait un landau, et disait que l’Autiste, lui, ne voit pas un landau, il voit 16 triangles, 8 cercles. Il visualise autrement. Les sons sont amplifiés. Tout est différent pour eux.

C’est une maladie dont on tend à dire maintenant qu’elle est d’origine génétique. Mais durant toute une période, on a aussi beaucoup culpabilisé les mamans. Avez-vous été confrontée à ça ?

Oui, et encore maintenant. En fait, c’est un handicap, pas une maladie. Car une maladie, on en guérit. Mais on naît autiste et on meurt autiste. Il y a une progression durant la vie, mais il ne deviendra jamais non autiste. Oui, la culpabilité est le problème majeur des parents d’autistes. On me dit qu’il est comme ça car tu le couves trop, qu’il ne parle pas car tu ne fais pas bien. Et encore récemment, une maman m’en a parlé à l’association, je suis désespérée, les gens disent que c’est de ma faute. Toutes les mamans s’entendent dire qu’il est comme ça car tu le protèges trop. Mais c’est complètement faux. Et cela ajoute une difficulté. On peut même parler de sur-handicap. L’autisme, ce n’est pas facile, c’est un handicap, une différence, mais ce n’est pas facile de le faire accepter dès qu’on sort de la maison. Pour nous, on ne voit pas qu’il est autiste, ses deux sœurs vivent très bien avec lui. On l’aime comme il est, on l’accepte comme il est. Faire accepter cette différence est très compliqué, car elle est mal comprise. Et ce qui est aussi difficile, ce sont les dossiers de prises en charge, MDPH, trouver les bons professionnels, les problèmes financiers. Cela s’ajoute et c’est difficile à gérer.

Cette situation impose certainement une adaptation du travail pour la maman ou le papa. D’où les problèmes financiers que vous évoquez ?

Cela pèse aussi sur les couples. C’est difficile à gérer, et parfois, cela provoque des séparations. Dans les parents de l’association, rarement les deux travaillent. Car il y a beaucoup de rendez-vous, et donc on doit diminuer le temps de travail. En parallèle, pour certaines familles, l’orthophoniste ou d’autres soins restent à leur charge en partie. Mais on a envie de les faire car on veut les faire avancer, et on veut tout tenter. L’orthophonie est à pratiquer au moins deux fois par semaine, dès le plus jeune âge, leur travail est remarquable, il faut que ce soit régulier et sur la durée. C’est pareil pour les accompagnements sur les activités sportives financés par l’association. Pour qu’il y ait un résultat, qu’ils gagnent en autonomie.

Avec l’objectif d’une amélioration pas seulement du point de vue physique, mais plus globalement.

Egalement par rapport au groupe. Pour aussi expliquer aux autres enfants ce qu’est l’autisme, et qu’ils l’acceptent mieux. Plus on fait accepter les choses jeunes, mieux c’est. L’année dernière, je suis intervenue pour la fête de l’autisme dans la classe de mon fils, auprès des enfants qui sont avec lui depuis l’âge de deux ans. Je leur ai demandé s’ils savaient ce qu’est l’autisme, et ils ne savaient pas. Je leur ai parlé de la différence de Yohan, ils m’ont répondu que c’est le petit garçon qui est timide. Pourtant, il crie en classe. Mais ils l’ont intégré ! Il faut expliquer pourquoi il crie, pourquoi il fait du flapping. Les autistes sautent sur eux-mêmes, avec les mains qui bougent. Il faut expliquer qu’il ne faut pas avoir peur, leur dire que toi, tu as besoin de lunettes pour voir, et lui, il a besoin du flapping pour être bien.

Vous avez passé beaucoup d’heures sur internet pour essayer de comprendre l’autisme ? Avez-vous suivi des formations ?

J’ai fait pas mal de formations. J’ai pris des infos un peu partout. J’ai passé beaucoup de temps à m’informer, à comprendre pourquoi il réagit comme ça. J’ai fait deux formations, dont une à Toulouse, une fois par semaine sur trois mois, financée par la Région. J’ai beaucoup appris là-bas, j’apprends tous les jours, avec mon enfant et les enfants de l’association.

Est-ce un choc de comprendre que toutes les dimensions de la vie de l’enfant seront modifiées par l’autisme ?

Cela se fait petit à petit. Au début, je pensais que tout allait vite rentrer dans l’ordre, j’étais dans le déni complet. Maintenant, je veux faire accepter cette différence au maximum de personnes possibles. Et je veux aussi faire comprendre les compétences des enfants autistes. Ils sont extraordinaires. Ils ont des capacités énormes dans plein de domaines différents. C’est une richesse. La différence est une richesse pour les autres et pour nous-mêmes. Je vois des hommes politiques se servir du mot autisme, cela me choque. Cela veut dire « Ne fais pas semblant de ne pas m’entendre ». Or l’autisme, ce n’est pas du tout ça. Au contraire, ils comprennent tout, ils entendent tout. Ces enfants sont extraordinaires, ils sont bienveillants, d’une gentillesse incroyable. Mais ils sont différents car ils réagissent différemment à plein de choses. Ce n’est pas pour autant qu’ils sont fous. Il faut accepter cette différence comme plein d’autres différences.

Entretien réalisée par Odile Baudrier

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