Charlotte Majorel et Victor Heck, de l’audit financier à l’Aubrac

Charlotte Majorel et Victor Heck étaient promis à de belles carrières dans la finance, mais l’attrait de l’Aubrac, terre natale de Charlotte Majorel, a ramené le couple à Laguiole pour y créer un projet ambitieux, de bâtir des séminaires d’entreprises dans ce cadre authentique. Le dynamique duo s’attaque maintenant au Sud Aveyron, en imaginant des séjours autour du Trail des Templiers. C’est du cousu main que fabriquent Charlotte et Victor, soucieux de promouvoir l’Aveyron, dans l’esprit d’un tourisme qualitatif, à taille humaine.

  • Charlotte Majorel, vous êtes originaire de l’Aveyron. Qu’est-ce qui vous a incité à revenir dans l’Aveyron avec Victor Heck, votre compagnon ?
  • Charlotte Majorel : Je suis originaire d’Espalion, mon grand-père était le propriétaire de la Banque Majorel, et de Lacam du côté de maman. Nous, on a toujours vécu à Paris, fait des expériences à Paris, à l’étranger. On a commencé à travailler dans la finance. Et on a décidé de revenir sur ce territoire qu’on apprécie beaucoup. Victor le connaît depuis 10 ans. On a trouvé qu’il y a un énorme potentiel par rapport à ce territoire, qu’il fallait conserver, mettre en valeur. A notre échelle bien sûr, puisqu’on n’est que deux pour l’instant. Cela nous touchait beaucoup de pouvoir promouvoir ce territoire. On a trouvé que l’idée de l’événementiel et du tourisme était dans l’air du temps. Avec le côté retour à la nature, aux valeurs, se ressourcer.
  • Et vous, Victor, d’où êtes-vous originaire ?
  • Victor Heck : Moi, je ne suis pas du tout aveyronnais. Je pense qu’avant de rencontrer Charlotte, je ne savais pas placer l’Aveyron, et encore moins l’Aubrac sur une carte ! Moi, ma famille est de Marseille du côté de ma mère, et Strasbourgeoise du côté de mon père. J’ai de très fortes attaches surtout sur la région marseillaise. Mais j’ai toujours vécu à Paris. C’est là où nous nous sommes rencontrés il y a 9 ans. J’ai découvert l’Aveyron avec Charlotte en venant en vacances. Très rapidement, on s’est rendus compte qu’il y avait un vrai potentiel dans cette région. Naturel, car c’est très beau, mais aussi économique et social. Les gens sont très dynamiques et ont la fibre entreprenariale, avec de très belles réussites économiques. Si on prend le village de Laguiole, qui a 8000 habitants, il y a une effervescence économique assez impressionnante. C’est singulier. Nous avions commencé notre carrière professionnelle sur Paris, et nous serions restés sur Paris si on n’avait pas eu ce projet. Car ce n’est pas un burn out : on n’a pas dit J’en ai marre de Paris, je quitte tout, je pars à l’autre bout de la France. Il y avait vraiment cette idée de construire un projet à deux, et de pouvoir contribuer à notre échelle, la préservation et à la promotion de cette région.
  • Charlotte Majorel : Une région où on s’épanouit aussi. On sent qu’on est utiles pour faire quelque chose qu’on aime et qui est utile au territoire.
  • Victor Heck : on est partis du Pourquoi on veut faire ça ? Et pour créer cette vie à deux, on est arrivés aux Clés de l’Aubrac, cette agence événementielle et touristique, créée il y a deux ans. Aucun regret. Très épanouis.
  • Vos études se sont déroulées dans le domaine de la finance. Vos jobs précédents étaient-ils tournés vers le tourisme ?
  • Charlotte Majorel : pas du tout. Moi, j’ai travaillé un peu à l’étranger, j’ai eu un stage d’audit en Italie dans une agence de l’ONU. Puis je suis rentrée à la COFACE (assurance crédits pour les entreprises) pendant deux ans, en tant qu’analyste financière.
  • Victor Heck : moi, après mes études, j’ai été un an dans la Marine Nationale comme officier volontaire. Puis je suis parti au Maroc dans une entreprise française de conseils. Ensuite, j’ai bossé dans l’hôtellerie, dans la partie financière, dans une entreprise franchisée. Je faisais de l’analyse financière, du développement commercial. Donc pas vraiment de contacts avec le client.
  • Pour résumer votre projet, vous êtes tous les deux des analystes financiers qui ont choisi de devenir des acteurs du tourisme, mais d’un tourisme différent ?
  • Victor Heck : c’est ce qu’on essaie de faire. On voulait développer un tourisme à taille humaine, quelque chose de qualitatif. Surtout pas de quantitatif, car on est sur un territoire qui ne s’y prête absolument pas. Et nous, on est plutôt opposés à ça. On n’a pas envie qu’il se mette en place un tourisme de masse, car c’est quelque chose qui détruit les régions. Par contre, un tourisme de qualité, on trouvait que c’était intéressant d’aider les gens à découvrir autrement notre région. Avec à chaque fois des activités, des expériences ancrées dans le territoire. On aime bien cette idée de dire que ce que vous avez fait sur l’Aubrac ou sur l’Aveyron, vous ne pourriez pas le faire ailleurs.
  • C’est donc un virage à 180 degrés de votre vie. Puisque vous vivez maintenant à Laguiole. Comment s’est passée votre intégration puisque tu n’avais pas grandi à Laguiole ?
  • Charlotte Majorel : Moi, je n’avais jamais vécu sur l’Aubrac et l’Aveyron, toujours à Paris. Et finalement, ça a été un peu une évidence. Ca s’est très bien passé car on savait où on allait.
  • Victor Heck : En fait, on a commencé à Lacalm, dans la maison de famille. Ca s’est très bien fait. Car le projet était bien accueilli avec les personnes avec qui on avait échangé.
  • Charlotte Majorel : Notre métier nous permet de rencontrer beaucoup de gens. On travaille avec beaucoup de prestataires locaux. On a eu cette obligation, avec grand plaisir, d’aller voir ces prestataires, de nous présenter professionnellement et personnellement. Tout de suite, il y a eu un échange. L’intégration s’est faite aussi par le travail. Mais cela n’a pas été compliqué. Sur Laguiole, il y a pas mal de jeunes qui sont aussi dans cette démarche. Tout le monde est très aimant de l’Aubrac. On est tous sur la même longueur d’ondes. Il y a une belle dynamique.
  • L’accueil s’est-il bien fait pour vous ? Contrairement à ce qu’on entend souvent, les gens du Nord Aveyron sont accueillants.
  • Victor Heck : quand on s’est installés, beaucoup de personnes nous ont dit que ce serait compliqué. Mais ce n’est pas que les gens ne vous intègrent pas. C’est juste que les gens ne vous attendent pas. On est deux nouvelles personnes, on s’installe dans un territoire qu’on ne connaît pas. Il faut aller vers les gens. Sinon, les gens ne vont pas savoir que Charlotte et Victor se sont installés. C’est à nous de faire le premier pas.
  • Charlotte Majorel : C’est vrai aussi que moi, étant originaire de là-bas, ça aide un peu les premiers contacts. Il y a une vraie volonté de partager avec les gens, d’écouter aussi. Beaucoup de personnes, surtout les Parisiens, nous disaient que ce serait très compliqué de s’intégrer. Mais finalement, cela n’a pas été le cas.
  • Victor Heck : il faut être pro-actif. Il faut aller rencontrer les gens. Il faut essayer de s’inclure dans la vie du village.
  • Et le projet économique, a-t-il vite pris tournure ? Avec une réussite rapide ?
  • Charlotte Majorel : Il a fallu un peu de temps pour obtenir l’immatriculation obligatoire pour toute agence réceptive. Puis pour rencontrer les prestataires, monter nos produits. On a lancé l’activité concrètement en janvier 2020. Et en mars, il y a eu le confinement ! Cela a un peu décalé. Je préfère parler de décalage du début d’activité. Après, on a eu de beaux séminaires l’année dernière, on a eu un été super intéressant. Le Covid a tué l’activité, on n’avait pas pris ça en compte dans notre business plan !
  • Victor Heck : Là, c’est en train de bien démarrer, on a de beaux partenariats. L’activité est en effervescence. On mesure le potentiel qu’il y a. Le Covid a renforcé nos convictions qu’il fallait qu’on continue. Cela n’a pas été simple tous les jours. Surtout car on n’avait pas de visibilité sur quand ça se terminait. Aujourd’hui, on voit plus le début de la fin. C’est dur quand on démarre une activité, qu’on démarre de zéro client, et qu’on se demande à partir de quand je vais pouvoir créer des choses.
  • Quel est le produit phare que vous proposez dans Les Clés de l’Aubrac ? Celui qui représente le mieux votre état d’esprit ?
  • Victor Heck : L’idée est de faire vivre une expérience, unique, exclusive aux personnes qui viendraient sur le plateau de l’Aubrac. Aujourd’hui, notre cible principale est les séminaires d’entreprises. Pour proposer une approche différente, de vivre un séminaire différent, vraiment axé sur l’Aubrac. On aime bien dire l’Aubrac, une terre d’inspiration. La formulation fait très marketing mais c’est vrai. Toutes les expériences sont ancrées sur le plateau de l’Aubrac, et sont uniques au Nord Aveyron. Et bientôt, on l’espère, à la région millavoise. L’idée est qu’on vient vivre une expérience unique pour une entreprise. L’Aubrac a beaucoup à offrir par ses paysages, sa quiétude.
  • Charlotte Majorel : On met en avant trois valeurs : l’authenticité – le savoir-faire – la transmission. Ce sont des valeurs essentielles dans l’entreprise. Et aujourd’hui, avec ce qui s’est passé, l’entreprise a envie de se recentrer sur les valeurs premières, sur son identité. Et c’est quelque chose qui peut être réfléchi sur l’Aubrac car c’est un territoire où on se ressource. C’est un cadre propice à ce type de réflexions. Et aujourd’hui, beaucoup d‘entreprises se placent dans ce schéma-là. Nous sommes convaincus que l’Aubrac a un réel potentiel dans ce secteur-là.
  • Vous travaillez maintenant sur un projet lié au Festival des Templiers. Il est très différent, et il vous permet de vous orienter vers une autre sphère. Comment est né ce projet ?
  • Victor Heck : La genèse est un évènement fait avec la JCE, la Jeune Chambre Economique de Rodez et Millau, en visio. Ils nous avaient invité pour qu’on présente notre projet, en octobre dernier. Le thème de la réunion était notre territoire, principale ressource. Kévin (Bertrand) avait présenté la démarche du Festival des Templiers, très ancré dans le territoire et dans les valeurs de l’Aveyron. Cela a fait écho à ce qu’on a proposé. En début d’année, on a recontacté Kévin par rapport à ça. Nous sommes une agence réceptive, les Templiers ont une notoriété nationale sur le territoire. On a parlé d’un partenariat à construire autour des Templiers et de l’Aveyron. Nous avions déjà réfléchi à créer des séjours sportifs sur le vélo de route et le trail, pour la découverte d’un territoire dans sa globalité. C’est ainsi qu’est née cette idée de partenariat Templiers Trail Expérience, où l’on reprend l’idée de la passion d’un sport et d’un territoire. L’idée est de proposer aux coureurs qui ont apprécié la course de revenir sur le territoire de l’Aveyron, et sur la région millavoise. Pouvoir courir sur les parcours des Templiers et venir avec leur accompagnant. Découvrir à plusieurs ce territoire en étant imprégnés de l’univers des Templiers. Nous organisons la totalité du séjour pour l’ensemble de la famille.
  • C’est un univers que vous ne connaissiez pas ?
  • Victor Heck : Je connais le trail car mon père est un grand mordu. Il a d’ailleurs couru les Templiers il y a quelques années. Je l’ai toujours suivi dans ses courses, dans cette passion. On s’intéresse à l’univers du sport de pleine nature, l’Aveyron s’y prête tellement. Nous aurons l’expertise d’organisateurs de séjours, et en s’alliant avec les Templiers, on recherche l’expertise d’organisateurs d’évènements.
  • Il y a aussi d’autres projets importants pour cette année. Comme celui monté autour du yoga avec le restaurant Bras.
  • Charlotte Majorel : Nous sommes partis sur deux séjours, avec visite du jardin Bras, randonnée à pied, yoga et méditation, et deux repas au restaurant Bras. C’est un projet à petite échelle, avec des dates fixes pour les particuliers, en juin, et septembre. Nous envisageons de proposer des séminaires pour les entreprises au Suquet, dans l’idée de réflexion sur l’identité de l’entreprise. Il y a une vraie cohérence avec l’expérience de la famille Bras. Il y a des choses à créer pour les entreprises sur ces sujets. Ce sera plus des séminaires, qui seront cousus main en fonction des besoins des entreprises.
  • On peut dire que vous effectuez un travail de petite fourmi !
  • Victor Heck : Oui, c’est une forme d’artisanat à notre échelle. C’est ce qu’on aime aussi. On aime prendre le temps d’avoir les clients au téléphone, échanger avec eux, et à la fin, d’obtenir exactement ce que le client avait demandé.
  • Charlotte Majorel : c’est notre valeur ajoutée. Et c’est aussi ce que recherchent les entreprises sur l’Aubrac, du cousu main, du confidentiel, du sur mesure. C’est l’ADN des Clés de l’Aubrac.

Entretien réalisé par Odile Baudrier

Photos réalisées au Cade par Gilles Bertrand

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