Steve Canillac – Ketty Jalade

les virages à angles droits

Les parcours professionnels ne sont pas toujours linéaires, et qu’il est rassurant d’observer ces personnes capables de rebondir après un virage à angle droit. Près de 15 années durant, la vie de Steve Canillac s’est orchestrée autour de la coiffure, et à 21 ans, il devenait propriétaire du « Salon ». Une décade plus tard, le jeune Millavois a choisi de vivre sa passion d’acteur. Formé à la Fabrick, dès son plus jeune âge, il évolue maintenant entre théâtre, cinéma, publicité.

Ketty Jalade a connu, elle, des débuts professionnels multi-facettes entre la grande distribution et le tourisme, et c’est à l’Office de Tourisme de Millau qu’elle a enfourché le credo du virage numérique. Huit ans plus tard, le codage informatique est devenu une véritable passion pour la jeune quadragénaire mère de deux enfants, et c’est au sein de l’entreprise Digigraph qu’elle excelle dans le domaine du Web.

STEVE CANILLAC, de la coiffure au théâtre

La coiffure, MON PREMIER METIER

J’ai débuté dans la coiffure à 15 ans, par l’apprentissage. J’avais découvert ce métier durant mon stage de 3ème, et il me passionnait. J’ai passé un CAP, un Bac Professionnel, à Millau, puis à Montpellier. Ensuite, je suis parti un an à Paris pour suivre les Cours Florent, car j’adorais le théâtre depuis mes 6 ans. Puis je suis revenu à Millau, et à 21 ans, j’ai ouvert mon salon avec Julie Marzials.

Nous étions amis tous les deux depuis le primaire, et nous nous sommes suivis dans la coiffure. Nous avons fait notre apprentissage ensemble chez Robert Bonnemayre. On a décidé de créer notre propre salon, pour avoir un lieu à nous. Nous étions jeunes, mais comme nous étions tous les deux enfants de commerçants, cela ne nous semblait pas extraordinaire d’ouvrir un magasin ! Mes parents étaient gantiers à « l’Atelier du Gantier » et les parents de Julie étaient dépanneurs TV.

Le Salon vivait très bien. Nous y avons travaillé 10 ans jour pour jour. Nous avons fait des rencontres géniales. En fait, on a grandi avec les clientes, puisqu’on y est restés de 21 à 31 ans. Les clientes suivaient notre vie. Julie est devenue maman dans cette période.

Puis, nous avons eu envie d’arrêter. On avait le sentiment d’avoir fait le tour. On avait aussi vécu à fond pendant 10 ans. Le métier me plaît toujours, mais je n’ai pas envie de le faire au quotidien, et dans un salon.

Le théâtre, mon nouveau métier

J’ai commencé le théâtre à 6 ans, à la Fabrick. C’était un peu mon sport. J’ai arrêté durant la période d’apprentissage, car c’était trop compliqué à faire en parallèle. En fait, durant cette période, c’est bizarre : on a une vie d’adulte, mais en fait, on n’a que 15 ans !

J’ai repris le théâtre à 20 ans, toujours à la Fabrick. En 2013, Philippe Flahaut m’a proposé un rôle professionnel dans la pièce « Les Justes » de Camus qu’il venait de monter. J’ai pu répéter avec des horaires aménagés pour moi. Ensuite, je l’ai joué pendant 2 ans et demi, nous sommes partis en tournée plusieurs fois.

La première fois, nous sommes allés à Guéret pour une semaine pour jouer à la Scène Nationale. Pour moi, c’était une passion, comme amateur, et j’ai découvert l’envers du décor. J’ai adoré ! Je me suis dit « Je veux faire ça tout le temps… »

Au moment de l’arrêt du Salon de coiffure, j’ai pris un an pour me poser et réfléchir à l’avenir. Là, j’ai décidé que je voulais être seulement comédien. Mais sans la troupe Création Ephémère, je ne me serais pas lancé. Avec elle, il y a un côté familial, je suis très proche de Philippe Flahaut.

Ma formation professionnelle s’est faite entièrement avec lui, à la Fabrick. J’ai continué à jouer à la Fabrick, dans les Justes depuis 2013. Et je suis maintenant intermittent du spectacle. Je me suis aussi installé sur Paris, pour avoir plus de contacts, je fais des allers retours avec Millau.

A Paris, j’ai tourné dans quelques films, j’ai eu un petit rôle dans la dernière saison « d’Engrenages ». Et aussi des publicités, pour « Mac Donald » et « Monoprix ». Même dans la pub, il y a des réalisateurs de qualité. Acteur est un métier difficile, mais en fait, les réalisateurs recherchent beaucoup de monde.

Le COVID et un grand vide pour les artistes

Toutefois, l’année 2020 a été compliquée, il y a moins de monde sur les plateaux, et moins de tournages. Pour le théâtre, à la Fabrick, depuis septembre 2020, la création d’une pièce a commencé : « Petit Enfer » de Sylvain Levey, et mis en scène par Philippe Flahaut. La création est prévue sur un an, pour une sortie en novembre 2021. Déjà, nous avons fait 15 jours en résidence près de Toulon, à Comtal, puis nous irons à Guéret, avant la résidence finale d’un mois à Millau, à la Maison du Peuple.

Avec les fermetures des théâtres, nous n’avons pas pu reprendre « Les Justes », comme prévu en décembre à la Fabrick. Heureusement, nous avons eu la chance de pouvoir jouer la pièce au Lycée Jean Vigo, à plusieurs reprises, en le présentant devant des classes réduites. La troupe a investi le foyer. C’était super. Tu as tellement envie de jouer !

Entretien réalisé par Odile Baudrier

KETTY JALADE, du tourisme au web

Le tourisme et la grande distribution, mes premiers métiers

Depuis petite, je voulais travailler dans le tourisme. A 5 ans, je voulais être hôtesse de l’air. J’ai pratiqué les langues, j’avais des cours particuliers d’anglais à 7 ans. Est-ce que le fait d’être née dans un autre pays ne m’a pas incité à ça ? Pour pouvoir voyager, retourner vers mes origines ?

Ensuite, j’ai bifurqué, un an à l’école d’infirmières de Millau, puis j’ai travaillé en maison de retraite. La période familiale était complexe. Je suis partie à Paris, je travaillais à l’Aquaboulevard, mais je ne me voyais pas serveuse toute ma vie. J’ai réfléchi, je me suis tournée vers la grande distribution, car très accessible. J’ai préparé un BTS action commerciale en alternance, comme assistante du responsable merchandising à Métro Cash and Carry. Lors de vacances à Millau, j’ai vu une annonce pour chef de rayon à Géant Casino Millau. Ce poste m’a permis de revenir sur la région après 5 ans à Paris.

J’avais continué à pratiquer les langues, l’Anglais à l’Aquaboulevard, l’allemand à Métro Cash and Carry. Elles m’ont permis d’entrer à l’Office de Tourisme de Millau. J’y suis restée huit ans, d’abord saisonnière, puis au service groupes, et responsable de la Halle Viaduc, et espace pleine nature. Ce qui m’animait était d’avoir des rencontres avec des personnes tellement diverses. Passionnées par les Templiers, par l’escalade. C’était intéressant.

J’ai évolué, en intégrant le service communication, avec la mission de sensibiliser les usagers professionnels de l’OT au virage numérique. J’étais déjà passionnée par le numérique. J’ai demandé à faire une licence sur les outils numériques, en alternance pendant 1 an et demi, à Toulouse. Ce n’était pas toujours facile, ma fille était déjà née.

J’avais passé une certification animatrice numérique de territoire, au sein des Offices de Tourisme. Je recevais des professionnels qui avaient des problèmes avec leur site internet, je leur donnais des informations pour collaborer avec des agences de communication, vulgariser le propos pour eux, expliquer les possibilités.

Après la licence, j’ai continué à travailler à l’OT, j’ai eu une deuxième fille. Mais en fait, je me sentais « étriquée ». J’avais besoin de créer, et j’aimais beaucoup coder. Cela m’a permis de créer un site pour l’OT, pour les professionnels. Puis je me suis installée en free lance, j’ai créé des boutiques en ligne, des sites vitrine. Pour moi, travailler avec un seul CMS ne pouvait pas être assez efficient. Puis j’ai vu cette annonce pour Digigraph. C’était providentiel ! Cela s’est conclu en trois jours.

Le web et le codage informatique, mes nouveaux domaines

Je suis chef de projet WEB chez Digigraph. Mon travail a été d’insérer les leviers pour faire progresser le chiffre d’affaires, et la présence sur le web pour la boutique de vente en ligne d’étiquettes adhésives. Depuis mon arrivée, il y a 3 ans et demi, la progression a été de 20 à 30% par an. Chez Digigraph, je touche à tout, de la photo, de la vidéo, je fais aussi de la formation en interne sur les réseaux sociaux, pour mes collègues pour qu’ils avancent avec leurs clients.

En parallèle, je donne des cours à la fac Champollion, pour la licence tourisme et sports pleine nature. Mon rôle est de dresser un panorama de tous les outils digitaux utilisables dans le tourisme et la pleine nature. Je travaille également sur St Affrique, à la Cazotte, pour conseiller les jeunes qui créent souvent des structures après leurs études. J’aime beaucoup le fait de transmettre, d’expliquer. Cela me reste de mon ancien job à l’Office de Tourisme !

Ma passion pour le codage et la création de sites n’a pas disparu. Alors, on a développé un projet avec mon mari, qui a mûri pendant le confinement, de commerce éthique et bio. Pour permettre aux personnes qui n’ont pas les moyens de se créer une boutique en ligne, gratuitement, sur Marketplace. Notre travail sera de développer le référencement, et la communication autour de cet outil. Avec la philosophie de « Slow Consommation », en contrepied d’Amazon. Le site s’appelle ETHIC-ZONE. Il a ouvert il y a un mois, le jour de mon anniversaire. Beaucoup de producteurs locaux sont connus seulement par le Bouche à Oreille. On aimerait faire un Bouche à Oreille Numérique !  

Le codage informatique, une passion dévorante

Je suis assez curieuse de tout. J’aime beaucoup lire, j’aime les mots, je me pose beaucoup de questions, j’ai besoin d’aller explorer. J’aime surtout le CSS, qui est très visuel, avec seulement des lettres et des chiffres. En fait, il y a aussi une dimension littéraire dans le codage, et trois lignes de code, cela change radicalement l’aspect visuel du site.

J’ai appris en fouillant sur les sites, j’ai acheté les méthodes pour les nuls. Pendant ma formation, je passais des nuits blanches à coder. Julien et ma fille allaient se coucher, et moi, le lendemain matin, j’étais encore en bas à coder. C’est presque hypnotique ! Je suis tenace : tant que je n’étais pas arrivée au résultat voulu, je continuais. Même pour un petit bouton radio, je pouvais y passer la nuit.

C’est une passion. Je ne peux pas le décrire avec un mot précis. C’est addictif. Il y a des choses dans la vie dont on peut se passer. Moi, coder, j’en ai besoin. Je me suis même achetée des serveurs pour me faire des tests pour moi-même.

Cela fait environ 8 ans que je code. Je continue car j’ai des collègues qui me sollicitent sur le SIO, le référencement naturel. Pour le site actuel de Digigraph, je n’ai jamais fait de campagne sponsorisée, j’ai seulement travaillé les mots clefs. J’adore atteindre mon objectif : ta page est en bas de la deuxième page des requêtes Google, et tu analyses pour la mettre au premier plan !

Mon parcours, un hommage à mes parents

Je suis fière de la personne que je suis à l’heure actuelle, professionnellement et dans la vie en général. C’est un beau parcours. J’ai eu la chance d’être adoptée. Je ne sais pas si en restant à l’Ile Maurice, j’aurais eu les mêmes possibilités ? Avec le recul, je m’aperçois que dans l’adoption, il y a aussi un acte d’amour. Peut-être que comme je n’ai pas connu mes parents, c’est l’hommage que je peux leur rendre, en me disant qu’ils m’ont permis à un moment donné de pouvoir partir, et d’avoir une meilleure vie qu’eux. Là, j’avance. Ils ont réussi à me donner une vie meilleure, grâce aussi aux parents qui m’ont adoptée. C’est la filiation que j’ai envie de laisser à mes filles. Elles savent pour mon adoption, elles en ont parlé avec ma maman adoptive aussi, elles ont vu des photos. C’est le plus bel hommage que je puisse faire !

Entretien réalisé par Odile Baudrier – Photos Gilles Bertrand (Ketty Jalade)