La vente sur internet, une nécessité dans la crise sanitaire

La deuxième période de confinement imposée par la crise du COVID a frappé de plein fouet le commerce local de proximité. Une période difficile qui ne peut qu’inciter commerçants, restaurateurs, producteurs à se tourner vers internet, pour tenter de conserver de l’activité. Les plates-formes se multiplient, entre initiatives locales, comme «Bloom» et régionales avec « Dans Ma Zone ».

Le confinement 2ème version pèse sur le petit commerce local de proximité, et cette nouvelle fermeture des magasins des produits dits « non-essentiels » impacte gravement les centres de toutes les villes de France. La vente internet peut-elle constituer un palliatif ? En partie, et pour certaines activités. Les plates-formes se multiplient, des initiatives très locales à des projets portés par les plus grands acteurs du commerce. Avec en ligne de mire une attaque en règle contre Amazon, le géant américain, qui s’est tellement enrichi durant le premier confinement.

Au printemps, le blocage brutal des commerces, marchés, et autres circuits traditionnels de vente avait incité à la création d’alternatives de diffusion des produits, mais surtout dans le domaine alimentaire. Avec l’objectif de permettre aux agriculteurs, maraîchers, et autres producteurs locaux de retrouver une manière d’écouler leurs produits.

TOUSOCCITARIENS.FR

La région Occitanie avait été hyper-réactive et avait ainsi bâti dès le 25 mars, une plate-forme alimentaire régionale, recensant les acteurs effectuant les commandes à domicile, dans le respect des règles sanitaires de l’époque. Le succès avait été immédiat, et à la mi-avril, ce sont 3570 producteurs et commerçants qui figuraient sur le site « tousoccitariens.fr ».

Comme par exemple pour la zone du Sud Aveyron, près d’une centaine de références entre Millau et St Affrique. Avec pour la plupart, un contact qui s’établit par mail ou téléphone, et une vente qui s’effectuera par livraison à domicile ou drive

DANS MA ZONE

Avec le deuxième confinement, ce sont les commerces non alimentaires que la Région Occitanie a voulu épauler, avec le site https://dansmazone.laregion.fr, s’appuyant sur l’original slogan lancé l’été dernier par Carole Delga, la très engagée présidente de Région. « Dans ma zone », le nom surfe sur la similitude avec celui de l’incontournable « Amazon », désigné avec acuité cet automne à travers toute le France comme l’ennemi du commerce de détail.

Le site recense sur une carte de la région les artisans, fabricants, commerçants de l’Occitanie, diffusant tous types d’articles, des livres, à la décoration en passant par les jouets et la mode. Il leur offre une présentation très soignée, entre texte descriptif de l’activité, photos des lieux, des produits, et d’un renvoi sur leur site internet propre s’ils en ont.

Avec un succès cette fois plus limité pour le moment, puisqu’à date, ce sont 2435 professionnels qui y sont connectés, présentant 7139 produits. Ainsi sur la ville de Millau, on retrouve seulement 7 professionnels : Maison Fabre, chaussures Chauchard, bijouterie Merviel, bijouterie Canat, Voile en Sac, Espace métiers d’art, Piwi.

ACHETER LOCAL

A la Communauté de Millau Grands Causses, le soutien au commerce local passe par le site https://www.cc-millaugrandscausses.fr/Economie/Commerce.aspx, qui présente en fait un inventaire des commerçants, restaurants…. situés dans la zone de la Communauté, et qui proposent la vente à distance. La liste mentionne leurs contacts, téléphone, site internet. L’achat se fait par « Click and collect », ou « Call and collect ».

Un système intéressant, pour « acheter local », mais restrictif, puisque beaucoup de commerçants fonctionnent seulement par Facebook ou téléphone et ne disposent pas de site internet. Le consommateur n’a donc pas de vision directe sur les produits disponibles.

AMAZON MEME PAS PEUR

Une initiative à suivre dans les prochains mois, celle d’un autre pourfendeur d’Amazon, le dynamique Michel-Edouard Leclerc, qui a adopté un slogan également très offensif « Amazon ? Même pas peur ». Dès le printemps, il annonçait vouloir lancer un portail unifié d’offres commerciales sous son enseigne, en proposant les produits de nombreux secteurs non alimentaires. La force de frappe du groupe Edouard Leclerc devrait lui donner toute légitimité pour séduire les fabricants, mais ce projet ne mettra pas en avant les petits commerces indépendants.

Or avec la possibilité que des épisodes de confinement se reproduisent, il est urgent pour chacun de trouver un palliatif à des fermetures répétées et brutales. Autant dire qu’un projet comme celui de « Bloom » ne peut que susciter de l’intérêt pour ces commerçants en mal de ventes, et en déficit de visibilité numérique. Cette fois, il s’agira réellement d’une place de marché locale où les commerces référencés pourront effectuer de véritables ventes en ligne, avec la proposition de plusieurs modes de distribution, du click and collect, du drive, de la livraison à domicile effectuée de façon novatrice, à vélo et dans la demi-journée de la commande.

BLOOM, UN CONCEPT POUR MILLAU

Le concept a été bâti par Maxime Commandré et Alexis Cazelles il y a déjà près de deux années, et son développement, programmé pour la période des fêtes de fin d’année, s’est accéléré dans le contexte du deuxième confinement.

Il a déjà séduit 30 commerçants de Millau et alentours, qui bénéficieront ainsi d’un véritable site de vente en ligne, qui permet au consommateur de voir leurs produits, grâce à de nombreuses photos de qualité, d’enregistrer leurs commandes et paiements. Chaque commerçant pourra présenter, dans un premier temps, 75 produits, et l’offre s’enrichira ensuite au gré des arrivages de nouveautés dans les magasins.

Il s’inscrit dans la lignée d’expériences antérieures, qui se sont malheureusement soldées par des échecs, comme « acheteramillau.fr », avait été lancé par l’Office de Commerce et de l’Artisanat de Millau et Grands Causses en 2015. Une première initiative arrivée trop tôt, qui n’avait pas su convaincre suffisamment de commerces millavois, pour bâtir une offre réelle susceptible de séduire les consommateurs. Le site est définitivement fermé.

Autre expérimentation avortée, celle de « Agatchako », une place de marché créée en 2018 par la société Linov près de Rodez, et qui bien que bénéficiant d’un soutien fort de la CCI et de la marque « Fabriqué en Aveyron », n’a pu faire son trou.

Mais les temps ont changé, « Bloom » arrive à une période charnière pour le commerce local, entre Covid, concurrence féroce des géants d’internet et attractivité réduite des centres villes. Le choix de Bloom de se concentrer sur la seule clientèle millavoise représente aussi un atout majeur, en évitant la dispersion dans les référencements. D’autant que ces derniers mois, les consommateurs se sont imprégnés du concept « local », propice à l’achat d’un clic dans un magasin situé à seulement quelques kilomètres de chez soi…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photos : Gilles Bertrand

Le projet BLOOMapp.FR présenté par Alexis Cazelle

« Notre projet remonte déjà à deux ans. Avec Maxime Commandré, mon associé, nous avions réfléchi à cette idée d’une place de marché locale, à proposer aux commerçants de Millau. C’est en fait une solution compliquée à développer, qui a été confiée à une société spécialisée de Montpellier.

Le lancement effectif n’aura lieu que courant semaine, car les derniers tests ont révélé quelques petits disfonctionnements. A ce jour, 30 commerçants ont adhéré à Bloomapp.fr. Mais tous ne seront pas présents d’entrée de jeu, le site ouvrira avec 15 à 20 boutiques et il s’enrichira ensuite avec les autres. En réalité, le projet aurait dû être lancé pour la mi-décembre, mais il a été avancé en raison du confinement.

Notre objectif était d’avoir un nombre minimum de 30 commerçants, qui pourront présenter chacun 75 produits au départ, puis ensuite le souhait est que la vitrine en ligne représente l’offre du magasin, avec donc une rotation régulière des produits.

Nous voulions pouvoir proposer une offre la plus étoffée, et ce sera le cas, avec plusieurs catégories de commerces représentés, habillement, mode, bijoux, décoration, beauté-santé, livres et un peu d’épiceries, fleuristes.

L’accueil a été très positif par les commerçants de Millau. Nous avons attaqué la prospection il y a un mois environ, avec 10 jours très engagés, où nous avons visité les magasins. Ensuite, les adhésions se sont faites par le bouche à oreille.

Nous n’étions pas connus, nous avons pris le temps d’expliquer la valeur ajoutée de notre offre par rapport à un site internet classique. Avoir son propre site demande du temps et de l’argent, et aussi un investissement en référencement. Nous, c’est une place de marché qui représente un levier plus important en termes de communication, puisqu’on mutualise notre offre, et notre communication est globale pour tous les commerces.

Sur le plan technique, nous sommes en charge de tous les aspects. Les bugs éventuels. Les prises de vues. La rédaction des fiches produits. C’est un très gain de temps pour le commerçant. Et cela a été l’argument majeur pour les adhésions. En fait, beaucoup ont leur propre site, mais ils ont du mal à l’actualiser, et cela leur coûte finalement en frais fixes.

Pour notre part, l’adhésion exige un abonnement sur un an, et ensuite, un pourcentage des recettes nous revient, pour couvrir nos frais.

Nos objectifs sont difficiles à fixer. Nous avions fixé des estimations, mais avec la période du confinement, les choses ont changé. Bloom.fr sera une bonne alternative si les commerces sont fermés. S’ils sont ouverts, est-ce que les gens seront frileux d’y aller et donc désireux d’utiliser l’application avec la livraison à domicile ou le click en collect sur rendez-vous ? Ce n’est pas facile de prédire. Je peux juste dire que chaque jour, des commerçants nous contactent pour adhérer, et des clients nous contactent pour connaître la date d’ouverture de l’application. Tous les voyants sont au vert ! »

L’expérience de Guilhem Prax du magasin Endurance Shop

« J’ai été approché par Alexis de Bloom, il y a environ un mois. J’ai été séduit par sa combativité. Je l’ai questionné : Pourquoi Bloom fonctionnerait alors qu’ « Acheter à Millau » et « Agatchako » n’ont pas marché. J’ai trouvé que son discours se tient, Bloom est conçu pour que les gens de Millau achètent en local, et non pas que ce soit des gens de l’extérieur qui achètent à Millau. Il y a aussi un point fort, c’est la livraison type Uber Eat, avec le vélo qui livre dans la demi-journée. Ou bien le client vient au magasin, sur système click and collect.

Je ne sais pas trop si ça fonctionnera, mais j’ai voulu donner une chance à ces jeunes. Le prix est très abordable, 120 euros pour créer le site de la boutique, avec les photos des articles, et leurs conseils pour la présentation. Ensuite, une commission d’environ 8 à 10% leur sera versée. En contrepartie, ils gèrent toute la partie paiement… Je trouve cette initiative intéressante car c’est une réponse collective des commerçants millavois sur Millau.

Concernant ma présence sur internet, je vends en fait un tout petit peu sur Amazon ! J’ai créé un compte pour écouler de vieux produits qui restent en stocks. Mais cela concerne très très peu d’articles. Je vais intégrer aussi dans les jours qui viennent le site Endurance Shop, qui regroupe plusieurs magasins du réseau, avec quelques produits phares. Pour le premier confinement, j’avais utilisé la solution de Facebook, pour créer mon shop internet, mais les résultats avaient été très faibles.

Depuis le début du reconfinement, il est beaucoup question du système « Click and Collect ». Mais cela fonctionne très très doucement. Ce n’est pas une solution, seulement un palliatif ! Je dirai que c’est mettre un pansement sur une plaie béante…. Au fond de moi, je doute de l’avenir du petit commerce local, et avec les gilets jaunes et le covid, le mouvement s’est accéléré encore plus vite. A voir donc la suite du modèle actuel. »