Mika “c’est moi qui rentre dans la cage”

Mika de son vrai nom, Mickael Fort est dans nos contrées du Sud Aveyron, connu comme le magicien blanc, le rossignol roucoulant du Luis Mariano, du Piaf et du Gréco, cajolant papies et mamies dans les fêtes locales et des Ehpad avec pour seul crédo donner du bonheur aux gens. Animateur de profession, il débute dans le métier à l’âge de 12 ans. Depuis ce jeune homme sillonne les routes du département pour distiller de la joie, du rêve et de la bonne humeur. Qui n’en a pas besoin !!!???

Il n’y a pas toujours besoin de lapins nains, de colombes lovées dans le creux de la main, de foulards disparaissant en un tour de rein pour devenir magicien.

Il suffit parfois d’aligner des mots, de les chanter, de les conter. Il suffit parfois de petites et grandes histoires comme autrefois racontées un soir de veillée pour créer l’illusion, pour déclencher le chagrin, pour laisser couler le quotidien, pour caresser la peau d’un onguent revigorant, pour ouvrir tous les clapets du rire, les plus fous, parfois aigres doux.

Mika l’a compris sans leçon, sans conclusion, sans plafond pour ouvrir tous les horizons. Certains naissent avec une cuillère en argent dans le bec, Mika est né avec les mots, à saisir à la volée, à ramasser comme on joue au hochet, à jongler bien avant de savoir marcher. Mika est né pour raconter des histoires, à monter sur un tabouret pour dominer la tablée, miettes de pain sur la toile cirée, pour  enthousiasmer les fins de repas familiaux en poussant la chansonnette. Cette anecdote en dit long sur cette précocité à tenir le crachoir debout sur son perchoir, en culotte courte et jolie frimousse, il raconte «à l’âge de 7 ans, j’ai demandé que l’on m’offre le coffret complet des œuvres d’Edith Piaf». A l’heure du café, du digestif, papa, maman, tonton et tata, pépé, mémé et la cousinade au complet, tous convaincus que le bout de chou avec son bagou, son goût pour les blagues, la chanson et ses premiers tours de magie…sera lui aussi un artiste.

Ainsi le petit Mickael, le gamin de Vabres l’Abbaye,  qui n’a pas beaucoup à se creuser pour trouver un nom de scène déjà trouvé à la sortie du berceau, se construit un personnage de scène. Du théâtre à St-Affrique, dix ans durant aux côtés d’Annie Duplouy, cette enseignante tristement disparue soulignant «je n’ai pas de dollars, mon trésor, c’est la culture». La culture populaire, celle qui touche aux émotions simples, l’humour, le rire, le drame, la farce, pour que des personnages du quotidien, vous, nous, le boulanger, l’infirmier, l’élu local toussent, chialent, aiment, embrassent ou blessent en tapant du pied sur les planches de « L’Entrée des Artistes ». Mika se souvient « elle écrivait des histoires tenant à la réalité comme le dossier sur l’hôpital de Saint Affrique. C’était du vaudeville, la comédie quotidienne ».

Et puis il y a le chant «je chante tout le temps» affirme-t-il les yeux gourmands comme un gamin devant un bocal de berlingots et de Marshmallow. Un temps dans une chorale «Chante Friboulle», mais épaules contre épaules dans sa rangée, l’ado ne trouve pas l’espace nécessaire pour placer ce beau timbre de voix déjà mature formé à apprendre un répertoire classique. Il préfère le solo. Sa play-list, c’est du Gréco, du Bécaud, du Sardou, du Aznavour, du Piaf bien entendu, du Luis Mariano, du Dalida pour s’évader sur les rives du Lac Connemara. «J’aime les belles voix» dit-il «les chansons qui veulent témoigner de quelque chose. Celles qui traversent le temps. Le rap, je le laisse à ceux qui aiment».

Et pour que l’artiste en herbe puisse endosser ce grand costume à paillettes, il y a la magie. Le monde de l’illusion,  cartes en voltige, lapins baladins,  colombes vagabondes, foulards et mouchoirs dans l’enfumoir pour devenir magicien. Le jeune Mika ne loupe pas les shows de Patrick Sébastien, le vieux beau du PAF et ses invités de prestige, ces illusionnistes, mentalistes et autres prestidigitateurs, souvent épaulées par des pin-up élancées et carrossées, les Dany Lary, Criss Angel, David Stone, Léo Brière, Bernard Bilis.

Cette vie d’artiste, elle débute le 7 juillet 2007. 7 – 7 – 7, trois fois7…….comme un signe du destin. Le  jeune Mika, tout juste 12 ans rentre en scène lors du Tiercé du Cochon, cette animation née en 1975 à Vabres l’Abbaye son village natal, le clou de la fête votive importée de Bertholène. Raymond Durand, le speaker officiel, lui donne sa chance pour commenter la course aux cochons réunissant chaque année sur le pont enjambant les eaux rouges du Dourdou 500 spectateurs, criant, vociférant, pour encourager les gaillards du coin au cul des gorets échappés. Spectacle populaire assuré.

Premiers confettis, premier micro, premières sensations, être au cœur du monde, Mika sera donc artiste, sans brûler pour autant les étapes. Dans la famille, les études, c’est sacré. Un père 44 ans mécanicien agricole dans la même entreprise, ça apprend la sagesse, et le sens du devoir et des priorités. Le Bac d’abord, option service à la personne à Vaxergues, puis BTS à Moissac option économie sociale et familiale avant de prendre la route, celle de ce Sud-Aveyron, de ces petites salles des fêtes, de ces scènes en ciment lustré, de ces rideaux grinçants sur leurs montants et ces parterres de chaises bien alignées, sans oublier campings, bowlings, EHPAD. Aujourd’hui, il les connaît toutes, dans le Rougier sa priorité, avec Camarès, Belmont, Saint Sernin, puis loin, à portée de micro, aux portes du Larzac St-Jean d’Alcapiès, Tournemire et bien entendu Vabres et St-Affrique son fief, comme un Tour de France de la joie simple, des chansons patrimoines dépassant les générations et de l’illusion pour les Sapins de Noël, les fêtes votives, le Téléthon, les Marchés de Pays, foires commerciales, les spectacles pour les ADMR, les centres sociaux…

Aujourd’hui, Mika tourne associé à Sylverchris  son aîné de 45 ans, un duo complémentaire «lui, c’est le magicien, moi je joue la partie des grandes illusions. J’ai un Octocubus, une malle et une cage à apparition». Du fait main avec l’aide de Guy, le papa, Nicolas le frangin, alors qu’Andrée, la maman, joue la couturière. Il ajoute « C’est moi qui rentre dans le cube et qui me fait transpercer par un gros cube et une douzaine d’épées. Et dans la malle, c’est moi qui réapparaît en lutin. Habituellement, ce sont des femmes que l’on fait disparaître. Elles font un peu potiches. Là c’est un homme, ça surprend, mais ça plaît beaucoup.»

Combien d’enfants Mika et Sylver Krys ont-ils fait chanter, danser,  rire et s’ébahir comme lui autrefois en dévorant le spectacle du maître Gérald Le Guilloux le grand magicien avec ses colombes dociles et graciles ? Combien de tempes grises ont-ils fait tanguer, fredonner et applaudir en chantant avec leur spectacle « 1000 et une chansons »puisées notamment dans le répertoire de la canadienne Ginette Reno dont ce titre fétiche «ça pleure aussi les hommes» ?

Dans son téléphone, il garde précieusement une lettre reçue cet été d’une résidente d’un EPHAD. Il agrandit l’écran, il lit ces quelques mots rédigés d’une écriture penchée. Ce n’est pas de l’illusion «je viens vous remercier pour le récital que vous nous avez donné. C’était formidable. Malheureusement, ce n’est pas souvent. Mais on se contente de ce que l’on nous donne. Excusez moi, cette carte, c’est tout ce que j’ai».

Mika éteint l’écran. Il se redresse sur ce petit tabouret sur lequel il est assis. Une fin de soirée, une longue journée d’animation dans le froid d’un automne toquant à la porte des Grands Causses, le micro rangé dans la poche de son costume noir au col brillant, il confie «on donne du frisson à des hommes, des femmes qui, parfois, ne marchent plus, ne parlent plus. Moi, le matin, quand je me lève, je ne me pose pas de question car je sais que je vais donner du bonheur.»

Photos : facebook Mika