“TEMPLIERS RAPSODIE”

La 26ème édition des Templiers aura lieu dans 80 jours. 80 jours pour faire le Tour du Monde de toutes les recommandations et mesures imposées en pleine crise sanitaire. Voici en résumé une petite semaine d’interrogations, de questionnements au sein de l’organisation pour trouver les bonnes solutions. Et si ce n’était que cela !!!

C’EST QUAND MEME PAS LE GOULAG !

Une journée dans le bureau des Templiers, ça ressemble à une chanson que j’aime « Brandt Rapsodie » interprétée par Benjamin Biolay en duo avec Jeanne Cherhal sur l’album La Superbe. Un très long monologue à deux voix. Une longue énumération envoûtante, intime, un quotidien tout bête, des questions, des réponses…pas toujours. Version « Templiers Rapsodie », ça donne ça !

Il faut qu’on parle, je suis joignable. Bon, je sais, j’suis pas vraiment le messie mais j’ai une combine pour le plexi.

J’ai passé une nuit infernale. J’me suis réveillé en sueur. J’ai rêvé que la fin de parcours, c’était nager dans une Dourbie visqueuse. A l’arrivée, je découpais le saucisson à la disqueuse.

On se dit «à dans une semaine», on aura de nouveau refait notre budget pour savoir à quelle sauce nous serons mangés.

Je travaille sur le dossier, on peut se voir rapidement. J’ai besoin de ton avis, tu me parles d’une tonne de gel, je n’ai pas reçu ton devis …Peux tu me confirmer la somme, 5000 euros, c’est ça ? J’ai l’impression que tout le monde nous assaisonne.

Les Templiers c’est notre grand projet parce que les Templiers, c’est beau.

Ne m‘attends pas, car je vais rentrer tard. Je suis encore sur le terrain. Je n’ai rien trouvé de bien. Le petit sentier vers la Boffi a été détruit. Oui, je l’avoue « j’en ai marre de ce tintamarre».

Jean Pierre a téléphoné,  mais hier soir, j’ai oublié de t’en parler… Au Cade, le ravito, il sera dehors ou dedans. Ca ne sera pas du gâteau. Il a soulevé ce problème, c’est pas grave mais quand même.

Chez Thierry, il reste du ravito et de l’eau. Tu pourras vérifier les dates, si je peux avoir une réponse immédiate.

Je te redonne l’email. Mike et Bryan ont laissé un message. Réponds-leur, mais je doute qu’ils puissent venir. Chez eux aussi, ça chauffe. J’ai vu que Bryan s’était mis à la pêche. Il appelle ça «trail and fishing». Tiens ça donne des idées.

A 7h, y’a Bernard qui passe. Il se lève tôt. Il veut bien fabriquer les rampes à eau. Faut juste lui trouver les bons tuyaux.

Tu crois qu’on aura la subvention. Tu connais la date de la réunion ?

Le mot de passe de l’ordi, c’est  25101995. C’est facile, c’est la date de la première édition à Sainte Eulalie.

Ca s’enflamme à propos des vagues.  J’ai quand même envie de leur dire «c’est quand même pas le goulag».

N’oublie pas la commande, 4000 masques chirurgicaux et 1500 masques FFP2. Au grand bal masqué, c’est bien connu, c’est ni vu, ni connu. Le vainqueur, ça sera qui ?

COMMENT LACHER LA BRIDE A CE GRAND CERF-VOLANT ?

Trois mois juste, jour pour jour, le dossier préfectoral a pris la route en temps et en heure. Le dossier habituel, ce grand fatras de documents bien ficelés, sans oublier la cartographie et un parcours Boffi Fifty légèrement remanié à l’arrache. Et cette recommandation « les services de l’État, lorsque vous déposerez votre dossier en sous-préfecture, seront très attentifs à ce que votre manifestation s’inscrive dans cette nécessaire prise en compte de la sensibilité environnementale ». Comme si cela avait besoin d’être rappelé.

Et puis, ces 40 mesures…40 mesures « sanitaires » qu’il faut s’engager à appliquer et surtout à faire respecter. Sans être certain que cela puisse être suffisant, sans être certain que cela puisse être nécessaire pour obtenir le fameux blanc seing.

Seule satisfaction, à la réception du livret ITRA puis du document FFA sur l’organisation en ces temps douteux, nous avions déjà balayé en interne l’ensemble des problématiques.

Les Templiers, c’est un grand village éphémère, on y court certes, mais on y mange, on s’y gare, on achète, on danse, on s’y rencontre, on se soigne si besoin est. Y’a même des kinés, de la sécu, de la récup, de la police, de la presse, des curieux, des amoureux. Bref, la vie d’un gros village. Avec ce côté exubérant, passionnant mais à contenir, à contraindre. Alors comment lâcher la bride à ce grand cerf-volant, ce grand vaisseau pour conquérir la planète Templiers ?

CE N’EST PAS A MOI QU’IL FAUT LE DIRE

Les bonnes et les mauvaises nouvelles, quel chassé croisé…quel tourbillon ! C’est parfois le grand plongeon, c’est souvent piocher dans le grand fond. Et puis ce petit coup de pied sur le rocher vaseux, morveux, l’impulsion, le corps droit comme une règle de calcul, les bras et les mains tendus pour remonter à la surface sans recul, reprendre son souffle et regagner les rivages et croire que les ravages, c’est fini.

L’annulation d’Embrun, de Gérardmer, du Lévezou, trois triathlons qui prennent le bouillon…là…on prend un vilain coup de bambou. Et puis ce rayon de soleil, il balaie les avis de tempêtes, cette semaine, dix nouveau stands réservés pour le Salon… Ouf…On reprend espoir, il y a de fragiles raisons d’y croire.

On vit ainsi au rythme des passages à la trappe. Ici, dans nos contrées, c’est « Fer et Lames » qui refusent de croiser les armes, annulé. C’est le Salon de l’Habitat qui n’ouvrira ni portes, ni persiennes, annulé. Bang, bang, que restera-t-il ? Les Templiers en résistance ? Dans la rue, on m’interpelle ainsi «faut tenir, faut tenir, la ville en a besoin».  Je réponds immanquablement «ce n’est pas à moi qu’il faut le dire… ».

Je rencontre Kévin Pérez, un jeune artiste millavois, il s’est essayé au stand up, au one man show puis il a repris quartier dans sa ville natale avec la Compagnie Création Ephémère. Un militant de l’expression orale, aujourd’hui, il se bat pour que le programme estival de la «Fabrick des Z’Enfants» soit maintenu «il faut montrer que l‘on peut encore vivre et s’exprimer» malgré les contraintes imposées. Curieusement, nous avons le même message, la même banderole, le même théâtre, le même rideau à lever. Dans la rue, il diffuse son petit tract comme un appel à la résistance. On pourrait se donner la main.

VOUS ALLEZ TENIR LE COUP ?

Séance photo sur le parvis de La Capelle. L’esplanade en chaleur, des badauds allure escargot, des gamines en little Bardot. Un regard me fixe, c’est direct «je voulais vous dire merci pour ce que vous faites». L’homme n’est pas seul, sa compagne à ses côtés et trois chiens à leurs pieds.  

En guise d’introduction, je caresse la tête de l’un d’entre eux «ce sont des borders collies, nous les avons achetés ici sur le causse».  Fabien distille son bel accent suisse, je me trompe de quelques kilomètres, côté Franche Comté «nous sommes du Territoire de Belfort. Depuis 7 ans, nous venons ici en vacances, c’est de votre faute, vous nous avez donné le virus».

On discute Templiers car depuis 7 ans, ils sont fidèles à l’épreuve, même l’un des chiens a passé, museau humide et pattes agiles, l’arche du bonheur aux côtés de son maître. L’homme souriant et les bras tatoués affirme même «on aimerait bien venir vivre ici. On regarde même les annonces pour des maisons à vendre. Mais bon». A rencontre inattendue, curiosité sans idées préconçues, je pose la question « vous travaillez dans quoi ? «Dans l’horlogerie. Il faudrait que l’on se reconvertisse».  

Pour venir vivre ici, un chemin que certains, certaines ont osé pour un coup de foudre, pour cet éclair de beauté, du haut voltage déclenché par ces paysages en parures dorées, l’automne venu. Céline et Fabien aux sourires bons et chaleureux me questionnent «Bon, ça va être bon pour cette année, vous allez tenir le coup ?».

JE DESIRAIS PEUT-ETRE TROP POUR LUI

On a tourné autour du pot comme on tourne autour du feu. Que pouvions-nous craindre ? Changer un lieu de départ, ce n’est qu’en même pas la mer à boire ! Même s’il s’agit de la mer Noire…Bref, pas besoin d’un grand coup de poing sur la table, on a tranché. Le départ du Marathon du Larzac, ce serait donc La Salvage et non plus Montredon et en cascade, le ravitaillement de Pierrefiche délocalisé dans ce même lieu.

La décision, nous l’avons prise entre deux morceaux de tarte aux prunes. Etait-ce la montée de sucre qui parfois éclaire les idées avant que la glycémie ne joue les chutes du Niagara ? Allez savoir, c’était le soir, on a filé direct à Notre Dame de La Salvage, le Larzac vite traversé. On s’est garé devant cette église austère les soirs d’hiver ténébreux. Personne.

Le lieu était désert, nous étions seuls dans cet oasis caché au cœur de cette petite forêt aux chênes rabougris et aux buis épanouis. Nous avons longé les grands murs, nous avons collé nos fronts aux vitres épaisses de cette salle assez grande pour accueillir le ravitaillement dans de bonnes conditions de distanciation.

J’ai repensé au départ de la Rock Shot en ce même lieu en octobre 2018. Deux ans déjà, le grand départ de Christophe, 4 ans déjà. Je m’en souviens de ce départ raté, de la sono en panne et du manque de solennité. Je m’en suis voulu, je désirais peut-être trop pour lui, rien que pour lui.

LES TEMPLIERS, C’EST UNE COURSE DE COEUR

Dans ce grand charivari, dans ce grand chambardement, penser à demain ??? Non, franchement, chaque jour suffit sa peine à brasser dans un quotidien d’incertitudes, de vraies ou fausses déclarations, de rumeurs et d’interprétations. S’en tenir aux textes, s’en tenir aux règles fixées même si elles peuvent évoluer. Un bon signe, la réouverture en septembre des Salons. Un autre bon signe, le maintien de la jauge à 5000 personnes par jour sur un lieu distinct, même si, ici et là, le Covid reprend sa marche intrépide.

Et se fixer un cap, le 15 septembre avec pour repère la grande roue, le Tour de France, ce baromètre vivant d’une France en révolution avec les géants de la petite reine en circonvolution.

Penser à un Templiers virtuel ? Non franchement…c’est de la rigolade, vous n’y pensez pas. Un Templiers, ça se réfléchit, ça se construit puis ça se vit intensément et ça se partage. Que l’on soit coureurs, bénévoles ou organisateurs, les Templiers, c’est une course de cœur.

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