LES SAVONNERIES ARTISANALES, UNE NICHE ADAPTEE A LA RURALITE

Le savon artisanal connaît depuis quelques années un grand développement, avec plus de 450 savonneries artisanales recensées en France. Dans l’Aveyron, quatre savonneries sont présentes sur ce créneau de niche, s’inscrivant dans la tendance d’une consommation plus soucieuse de l’environnement et locale. Dommage que la crise sanitaire ait surtout incité à l’utilisation du gel hydroalcoolique.

« Au Petit Grain ». « De la tête aux pieds ». « Les savons de mon cœur ». « Savons du Larzac ». Ce sont les jolis noms des quatre savonneries artisanales de l’Aveyron, répertoriées dans le catalogue « Couleur Savon », qui dévoile une activité très prolixe de ce secteur d’activité, avec plus de 450 entités recensées à travers la France.

Un dynamisme qui s’inscrit dans une tendance générale à une consommation plus écologique et plus locale. Avec déjà depuis 4 à 5 ans un retour en grâce du salon solide, très délaissé à la faveur de la mode du gel douche liquide. La marque britannique Lush n’y est pas pour rien, avec ces gros pavés de couleur, extravagants, et sans colorants de synthèse. Les acteurs traditionnels du savon, comme Rogé Cavailhes, ou Petit Marseillais, ont bien étoffé leurs gammes, pour offrir une vraie alternative aux bidons de gels douches.

Des savonniers artisanaux se sont aussi emparés de cette petite niche, qui s’avère propice à une fabrication très locale en zone rurale. La marque « Au petit Grain » s’est ainsi développée entièrement à Saint Izaire, un village près de Saint Affrique et Broquies, qui ne compte que 300 habitants. Mais pour Céline Poindron, l’une de ses deux créatrices, ce projet ne pouvait que se bâtir dans cette zone rurale, où elle vit, ainsi que son associée Maud. D’autant que l’accueil du Maire a constitué un sérieux coup de pouce, avec la mise à disposition gracieuse pendant trois ans d’un grand local dans l’ancienne école.

L’isolement relatif, que les deux associées ont rompu en intégrant une coopérative d’entreprise, n’a pas constitué d’handicap particulier dans ce périple débuté il y a cinq ans, et que Céline Poindron détaille par le menu, de la mise au point des recettes, au développement commercial, et qui a débouché sur la création officielle il y a deux ans. Et malgré ce gros travail, ce n’est que depuis 10 mois que le duo peut se rémunérer…

Une gamme 100% bio

Mais dans cette activité, la démarche est aussi militante, et Céline, devenue passionnée par le savon dans le sillage de sa mère, l’explicite : « C’est un peu comme manger bio. Les gens ont compris l’importance de manger sain. Et maintenant, ils se rendent compte aussi que les savons et gels douches agissent sur leur santé, et sur l’environnement, à travers l’eau qui est souillée. »

Pour « Au petit Grain », cette orientation s’est encore affirmée par l’obtention du label Nature et Progrès, qui garantit une ultra qualité environnementale, des ingrédients 100% biologiques, l’exclusion des produits et conservateurs de synthèse. Et cette mention a marqué un virage pour l’équipe, en l’incitant à privilégier les matières locales. Ainsi même si le karité et le coco, base de nombreux savons, demeurent évidemment d’origine exotique, la gamme s’appuie maintenant sur des huiles au minimum d’origine France, et pour certaines plantes de l’Aveyron.

Une gamme au lait de brebis

Un choix effectué dès la création à Tournemire de sa marque « Savonneries du Larzac », par Aymeric Vaquier, qui a d’entrée de jeu privilégié les produits locaux. Cet ingénieur conseil, arrivé dans l’univers du savon par le hasard d’une collaboration avec Thierry Cadenet, maire de Ste Eulalie de Cernon, explique : « Celui-ci m’avait sollicité pour fabriquer les machines pour une savonnerie au Mali. On a acquis une expérience, et décidé de créer une unité à Tournemire ».

Avec une idée originale, celle de bâtir une gamme à partir du lait de brebis : « On achète le lait de brebis. On fait du beurre à la baratte. Puis le savon. Les parfums viennent de Grasse. Les colorants du Vaucluse, à base d’ocres et d’oxydes ».

Toutefois, le projet ne s’est pas vraiment étoffé, avec une production de seulement 200 kilos de savon par an. En cause, le manque d’engagement d’Aymeric Vacquier, monopolisé par son autre activité d’usinage mécanique installé à Roquefort, et à laquelle il donne priorité : « Moi au départ, je suis un fabricant de machines. Je ne suis pas un très grand communiquant ! »

Or comme pour toute activité, la communication demeure le fer de lance. La récente crise de la COVID l’a encore confirmé. Dans leurs recommandations, les autorités sanitaires ont mis en avant le gel hydroalcoolique, et le savon solide s’est avéré le grand perdant. Pourtant le gel ne manque pas de critiques, pour sa composition riche en perturbateurs endocriniens, et un bon lavage de mains au savon protège aussi du virus.

A une condition : disposer d’eau ! Alors, à quand un savon artisanal sans eau ??

• Texte : Odile Baudrier
• Photo : “Au petit grain”
• https://petit-grain.fr/